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Macron vs Médias Bolloré : l'Elysée temporise après la contre-attaque de CNews

Publiée hier, la vidéo de l’Élysée pour lutter contre la désinformation du groupe Bolloré en particulier, dépasse les 4 millions de vues. Cette riposte a suscité une flopée de réactions, mais pourquoi cette vidéo de la part de l’État est-elle étonnante ?

ALENCON, FRANCE - JUNE 20: CNews microphone seen during French Prime Minister Gabriel Attal campaigning event at the Alençon market, ahead of the legislative elections, on June 20, 2024, in Alencon, Orne, France. France will hold an early legislative election in two rounds on June 30 and July 7 2024, following President Emmanuel Macrons decision which was triggered by his partys heavy defeat to the far-right National Rally in the 2024 European Parliament election. (Photo by Artur Widak/NurPhoto) (Photo by Artur Widak / NurPhoto via AFP)

La proposition de labellisation des médias d’Emmanuel Macron, évoquée il y a deux semaines à Arras devant les lecteurs de la presse régionale, pour lutter contre la désinformation a déclenché une déferlante de réactions politiques. Mais certains médias s’en sont aussi emparés, CNews en tête qui se sait ciblé, comme les reste des titres du groupe Bolloré. Des réactions qui n’ont pas plu à la tête de l'État, qui a décidé de contre-attaquer.

Et la réaction ne s'est pas faite attendre : une vidéo publiée et méticuleusement montée ce lundi 1er décembre avec des reprises de l’antenne de CNews, des passages de Pascal Praud et de Philippe De Villiers, saupoudrés de prises de parole du président de la République sur le sujet. Ce montage, issu du compte X de l’Élysée, a de quoi surprendre.

"Non, le gouvernement ne va pas créer tel ou tel label destiné à la presse."

Via ce procédé, l’Élysée a tenu à répondre directement aux médias du groupe Bolloré (CNews, donc, mais aussi Europe 1 et le JDD). Avec cette punchline digne d'un slogan électoral : “Quand parler de désinformation suscite la désinformation”. Comparée à la Pravda par Pascal Praud - journal russe à l’époque de l’Union soviétique - la vidéo a eu pour effet de remettre de l'huile sur le feu. Une attaque frontale et ciblée d'un président de la République contre une groupe de presse et une chaîne de télévision en particulier, c’est inédit.

Emmanuel Macron, par l’intermédiaire de la porte-parole du gouvernement, a assuré ce matin n’avoir "jamais" envisagé de créer un "label d'État", selon la formule utilisée par ses détracteurs. Une mise au point qui vise à calmer le jeu puisque Maud Bregeon a ajouté : "Il y a des initiatives prises par la presse, portées notamment dans les États généraux de l'information" (...) Mais "non, le gouvernement ne va pas créer tel ou tel label destiné à la presse."

Giscard d'Estaing, Mitterrand et Sarkozy

De mémoire, l'Élysée ou la plus haute figure de l’État s’en est rarement pris aussi directement aux médias ces dernières années voire décennies. En mai 1993, François Mitterrand avait lancé lors des obsèques de son ancien premier Ministre, Pierre Bérégovoy, qui venait de se donner la mort : “Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu'on ait pu livrer aux chiens l'honneur d'un homme et finalement sa vie.” Le président de la République faisait alors référence à la responsabilité, selon lui, de certains médias et éditorialistes de l’époque, qu'il avait tenus responsables du suicide de Bérégovoy.

Son prédécesseur, Valéry Giscard d'Estaing, avait lui aussi accusé certains journaux de “déformer systématiquement la réalité” après plusieurs articles critiques à son égard. Plus récemment, des images off de Sarkozy captées par les caméras de France 3 mais jamais diffusées avaient fuité. Le président y apparaissait irrité et l’Élysée avait mis la pression pour que lesdites séquences restent "enterrées".

Loin d’être une tradition républicaine surtout depuis la disparition de l'ORTF (Office de Radiodiffusion Télévision Française) en 1975, cette attaque de l’Élysée contre une chaîne de télévision marque donc un certain tournant, notamment au regard de la puissance des chaînes du groupe Bolloré.

Un contexte tendu

La réponse de l’Élysée arrive aussi dans un contexte particulier. Pourtant visée par une saisie de l'Arcom pour "triche" et "non-respect" du pluralisme à l'initiative de l'organisation Reporters sans frontières, la chaîne CNews reste en position de force et se situe au cœur de l’actualité. Après un Complément d’enquête à charge diffusé la semaine passée sur la désinformation, le dernier rapport Médiamétrie publié hier place CNews comme la première chaîne d’information en continu, avec deux fois plus d'audience que BFMTV.

Pour le 11ᵉ mois consécutif, la chaîne du groupe Bolloré est la chaîne d’info la plus regardée. En s’attaquant frontalement à CNews dont la ligne éditoriale est clairement conservatrice et marquée à droite jusqu'à son extrême, l’Élysée vise aujourd’hui un acteur devenu central dans le paysage médiatique. Une chaîne dont le poids politique dépasse largement ses audiences, et qui façonne chaque jour une partie du débat public. Résultat : la riposte présidentielle prend une dimension inédite. A n'en pas douter, la passe d'armes ne fait que commencer.

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