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Les associations de soutien aux migrants ne font plus recette

Les associations d'aide aux migrants, attaquées de toutes parts et fragilisées par des baisses de subventions, doivent redoubler d'efforts pour convaincre leurs mécènes de continuer à soutenir une cause jugée "trop polarisante".

Julie SEBADELHA - AFP/Archives

Les associations d'aide aux migrants, attaquées de toutes parts et fragilisées par des baisses de subventions, doivent redoubler d'efforts pour convaincre leurs mécènes de continuer à soutenir une cause jugée "trop polarisante".

"On est dans une situation financière totalement inédite", observe Benoit Hamon, à la tête de Singa. En quelques semaines, l'association de soutien à l'insertion des réfugiés a perdu 40% de ses ressources avec une baisse des subventions publiques, mais aussi le départ de deux partenaires privés.

"Des fondations américaines nous ont dit que nos sujets étaient trop polarisants aux Etats-Unis et qu'elles ne voulaient pas s'exposer à des risques de sanctions ainsi qu'à une mauvaise publicité", confie l'ex-responsable socialiste dont l'organisation compte quelque 80.000 membres en Europe et Amérique du Nord.

Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a démantelé l'agence américaine pour le développement international (USAID) et bloqué des milliards de dollars permettant de soutenir des programmes humanitaires à travers le monde tout en menant une politique anti-migrants.

"Les ONG qui, il y a 20 ans, étaient considérées comme des organisations de solidarité et des sujets de fierté sont désormais jugées comme complices de passeurs et criminelles", se désole le directeur général de Singa.

- "Trop casse-gueule" -

L'Ocean Viking, bateau de sauvetage en mer de migrants de l'association SOS Méditerranée au port d'Empédocle en Sicile le 6 juillet 2020.

L'Ocean Viking, bateau de sauvetage en mer de migrants de l'association SOS Méditerranée au port d'Empédocle en Sicile le 6 juillet 2020.

Giovanni ISOLINO - AFP/Archives

Associations changeant de nom pour bannir le mot "migrant", fondations poussant pour que les programmes soient orientés vers des aides "aux Français", mécènes "historiques" reportant leurs priorités vers d'autres causes, les ONG d'aide aux étrangers dans la précarité peinent de plus en plus à convaincre, affirment plusieurs d'entre elles à l'AFP.

"Il y a plein d'argent dans les fondations privées, mais elles préfèrent les redéployer vers des sujets plus neutres: elles veulent du retour sur investissement et jugent le sujet trop +casse gueule+ pour y associer leur marque", constate, amer, un responsable associatif sous couvert d'anonymat.

"Elles veulent investir sur les bonnes écuries, les bons chevaux, pas les crevards", poursuit-il, en craignant en révélant son identité d'aggraver encore la situation.

Seule organisation privée à avoir accepté de répondre aux questions de l'AFP, la Fondation BNP Paribas, assure maintenir ses financements.

"Plus que jamais, il faut soutenir les réfugiés face aux baisses des subventions publiques et la crise des associations historiquement graves en France comme aux États-Unis", défend sa déléguée générale, Isabelle Giordano.

Ces dix dernières années, la fondation bancaire a versé 41 millions d'euros de dons dans des programmes développés à travers douze pays européens. Dernièrement aux Pays-Bas, où, à l'instar d'autres Etats du continent, l'immigration électrise les débats politiques sous l'influence grandissante de l'extrême droite.

- "Peu importe d'où ils viennent" -

Un camp de familles migrantes devant la mairie de Paris le 5 août 2025

Un camp de familles migrantes devant la mairie de Paris le 5 août 2025

STEPHANE DE SAKUTIN - AFP/Archives

"On doit réaffirmer nos engagements et nos convictions", ainsi que "changer le regard sur les réfugiés", insiste Mme Giordano.

L'association SOS Méditerranée, qui porte secours à des migrants en mer, a aussi fait les frais de cette "instrumentalisation", même si elle est parvenue à maintenir à flot son budget "grâce à des donateurs fidèles", décrit-elle. "Nos subventions publiques ont été attaquées par des militants d'extrême droite. Nous avons gagné devant le Conseil d’État qui a réaffirmé la légalité de ces aides, mais cela crée un climat de suspicion", déplore l'ONG internationale, régulièrement accusée d'être "complice des passeurs".

Une inquiétude partagée par le Centre Primo Levi, qui fait pourtant référence dans le soutien aux personnes torturées et a perdu un quart de son budget. Pour la première fois en 30 ans d'existence, cet organisme basé à Paris doit procéder à une réduction des effectifs.

"Nous ne sommes pas une association militante, nous ne faisons que soigner nos semblables psychotraumatisés, peu importe d'où ils viennent", défend, de guerre lasse, sa directrice Tatiana Theys, constatant le "recul" de cette cause.

La noyade du petit Alan Kurdi, trois ans, sur une plage turque lors du naufrage de son embarcation il y a dix ans, "n'émeut plus: le petit Alan, il a disparu, on n'en fait plus grand cas aujourd'hui", regrette avec émotion la directrice.

Par Estelle EMONET / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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