Après l’annonce du prix Nobel d’économie attribué à Philippe Aghion, Éric Revel a réagi au micro de Patrick Roger sur Sud Radio. S’il reconnaît la portée intellectuelle des travaux de l’économiste français, il souligne le fossé persistant entre la recherche académique et l’économie réelle. Évoquant également les positions politiques d’Aghion, notamment sur la réforme des retraites, Revel questionne la frontière entre science économique et engagement politique.
On cumule depuis quelques années les prix Nobel d’économie français. Encore cette année avec Philippe Aghion. Nous devrions être fiers pourtant notre économie va mal.
"Oui la difficulté est peut-être de passer de la théorie à la pratique. Philippe Aghion est l'un des principaux architectes de la croissance endogène. C’est simplement de dire que la croissance économique d’un pays ne dépend pas seulement des facteurs externes comme la technologie, mais aussi des politiques publiques, de la concurrence et l'innovation.
Il a été récompensé, il a pris des positions, mais vous avez raison Patrick, depuis le premier prix Nobel Maurice Allais en 1988, on a le sentiment que l’excellence académique dans le secteur économique est montrée du doigt et nous fait obtenir des prix Nobel Même chose en mathématiques avec des médailles Fields. Pourtant ça ne se traduit pas réellement dans l'économie de tous les jours."
Alors sur quoi il a travaillé précisément sur son thème Philippe Aghion ?
"Il a montré que les réformes structurelles pouvaient améliorer la croissance. Mais aussi que l'innovation provoque la disparition d’entreprises et la naissance de nouvelles. Il est Schumpeterien, c'est l'économiste du 19e siècle, Joseph Aloys Schumpeter qui, le premier, avait parlé de la destruction créatrice. Donc il est récompensé pour cette étude et ce concept."
Le nouveau prix Nobel d'économie français, Philippe Aghion, plaide pour "stopper" la réforme des #retraites : "Un Nobel d'économie ne devrait pas faire de politique" pour @ericrevel1 #GrandMatinhttps://t.co/w3bVbzMeLS pic.twitter.com/71P2CFumJS
— Sud Radio (@SudRadio) October 14, 2025
"Il faudrait des réformes structurelles comme soutien à la croissance"
Et comment passer de la théorie à la pratique ?
"Il faudrait des réformes structurelles comme soutien à la croissance. Ça nous parle alors que Sébastien Lecornu essaie de trouver un budget 2026 qui va devoir en afficher. Donc s'il suivait ce que préconise notre nouveau prix Nobel d'économie, il devrait s'adonner à des réformes structurelles. Il dit aussi, Philippe Aghion que l'innovation est importante.
L'intelligence artificielle fait peur à beaucoup, parce qu'elle est exponentielle, elle prend sa place dans tous les secteurs économiques. Dans un premier temps, il dit, et ça devrait nous rassurer : « Oui ça détruit des entreprises, oui ça peut détruire des secteurs, oui ça contraint l’emploi, mais dans un second temps, il y a de nouveaux secteurs qui émergent, de nouvelles entreprises, et donc de nouveaux emplois »."
"Nous sommes à 3 milliards d'euros près"
Il a également pris position sur la réforme des retraites, non ?
"Et alors ce qui m'a frappé hier soir, vous l'avez entendu, puisque vous parliez du fait qu'il avait conseillé Emmanuel Macron pour son programme économique, c'est qu'il a pris position, notre nouveau prix Nobel d'économie, sur la réforme des retraites.
Il l'est pour une suspension. Alors c'est un message politique. Évidemment, le discours politique général que va prononcer à 15h le Premier Ministre, va dépendre de la position du Parti Socialiste, qui veut une suspension de la réforme des retraites pour ne pas voter la censure et pour ne pas renverser ce gouvernement. Alors moi je dis que un Nobel d'économie ne devrait pas faire de politique.
Car la grande difficulté, c'est comment appliquer des théories économiques savantes à la pratique de notre vie quotidienne. Il dit, Philippe Aghion, que suspendre la réforme des retraites ça coûtera pas cher. Pardon monsieur le prix Nobel, mais ça coûterait quand même cette année 3 milliards d'euros. Nous sommes à 3 milliards d'euros près.
Vous vous souvenez de la terrible crise des SubPrimes en 2008 ? À la London School of Economics, où d'ailleurs il enseigne lui, la Reine Elisabeth écoutait des économistes distingués lui expliquer, ce qui s'était passé pendant cette crise financière. La Reine écouta patiemment et dit à la fin : « Oui j'ai compris, mais pourquoi dans ces cas-là vous n'avez pas prévu la crise ? ». C'est toute la difficulté de la théorie à la pratique."