Qu’est-ce que l’antibiorésistance ?
L’antibiorésistance, c'est la capacité des bactéries à survivre à des antibiotiques qui, normalement, devraient les éliminer. « Les antibiotiques ne tuent que les bactéries, pas les virus », rappelle Didier Mazel, responsable de l’unité Plasticité du génome bactérien à l’Institut Pasteur.
Lorsque les « antibios » sont prescrits de manière répétée ou inappropriée, certaines bactéries apprennent à s’adapter. Peu à peu, elles deviennent insensibles à un traitement, puis à plusieurs, jusqu’à ne plus répondre à aucun.
Ce phénomène, longtemps invisible, menace aujourd’hui la base même de la médecine moderne. « Certaines infections banales pourraient redevenir mortelles, comme avant l’ère des antibiotiques », avertit le chercheur.
Comment les bactéries parviennent-elles à résister aux antibiotiques ?
Les bactéries sont de véritables machines à s’adapter. « Elles peuvent muter spontanément ou récupérer des gènes de résistance dans l’environnement », explique Didier Mazel. Ce processus, appelé sélection naturelle, s’accélère à chaque exposition aux antibiotiques : les bactéries sensibles meurent, tandis que les plus résistantes survivent et se multiplient. « Plus on utilise d’antibiotiques, plus on a de chances de faire monter la résistance », avertit le chercheur.
Un exemple particulièrement inquiétant est celui de Klebsiella pneumoniae, une bactérie responsable de pneumonies et d’infections urinaires sévères. Longtemps sensible à la plupart des traitements, elle est aujourd’hui capable de neutraliser presque toutes les classes d’antibiotiques.
Combien ça coûte de développer une molécule contre les infections bactériennes ?
Créer un nouvel antibiotique est un pari à un milliard d’euros minimum. Un investissement colossal pour un médicament que les patients prennent quelques jours par an.
« Le retour sur investissement est quasi nul. Les antibiotiques sauvent des vies, mais ne rapportent rien », déplore Didier Mazel. Résultat : l'industrie a abandonné la recherche dans ce domaine pour des raisons économiques.
Aujourd’hui, seules quelques start-ups et consortiums publics européens dont fait partie l'Institut Pasteur maintiennent la flamme, avec des financements modestes : quelques millions d’euros pour trois ans de recherche.
Les pistes explorées par l’Institut Pasteur pour lutter contre l'antibiorésistance
À l’Institut Pasteur, Didier Mazel et son équipe misent sur l’innovation génétique et biologique.
Parmi les pistes explorées :
- Les bactériophages : des bactéries modifiées de manière à reconnaître et éliminer spécifiquement la bactérie pathogène.
- Les molécules “re-sensibilisantes” : capables de rendre vulnérables des bactéries résistantes à certaines classes d’antibiotiques.
« Nous avons découvert, presque par hasard une molécule qui aide les antibiotiques à pénétrer dans les bactéries. En combinaison, elle les rend à nouveau efficaces », révèle le scientifique.
Ces stratégies dites “ciblées” ont un avantage majeur : elles réduisent la pression sélective et donc le risque de voir réapparaître une résistance.
Le réchauffement climatique joue-t-il un rôle d'accélérateur ?
Oui, et il est loin d’être négligeable. « Le réchauffement permet à des bactéries tropicales de coloniser des zones tempérées », observe Didier Mazel.
Comme les moustiques vecteurs du chikungunya ou de la dengue, certaines bactéries profitent de la hausse des températures pour se propager dans de nouvelles régions, y compris en Europe.
À cela s’ajoute la mondialisation : le tourisme de masse et les importations font circuler les bactéries résistantes à travers le monde. « Quand on revient d’un pays très touché, on peut être colonisé sans le savoir. C’est un vrai problème pour les hôpitaux et la chirurgie », alerte le chercheur.
Combien de personnes décèdent chaque année à cause de l’antibiorésistance ?
Selon les estimations, entre 1,5 et 4 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à la résistance aux antibiotiques. Et les projections sont alarmantes : jusqu’à 40 millions de morts d’ici 2050 si rien n’est fait.
Le chercheur en est convaincu : sans un sursaut collectif — politique, économique et scientifique —, la médecine risque de revivre un passé que l’on croyait révolu, mais il garde espoir avec l'arrivée des nouveaux outils technologiques, tels que l'intelligence artificielle.
Le Pasteurdon c’est du 8 au 12 octobre. Vous pouvez soutenir la recherche ! Faites un don au 3620 ou sur pasteurdon.fr !