L'association AC !! Anticorruption a annoncé vendredi à l'AFP avoir déposé plainte contre la ministre du Travail démissionnaire à propos d'un redressement fiscal évité à une entreprise, mais qu'Astrid Panosyan-Bouvet défend comme un "acte de gestion" justifié.
Sollicité, ni la société Setforge ni le Parquet national financier (PNF), destinataire de la plainte, n'ont répondu dans l'immédiat à l'AFP.
Le cabinet de Mme Panosyan-Bouvet a justifié son action, soulignant qu'il s'agissait d'un "acte de gestion" par lequel "un ministre prend la responsabilité de combler un vide juridique ou d’une interprétation de la loi". La ministre souligne qu'elle n'a "aucun lien ni de près ni de loin avec cette entreprise et son repreneur".
La plainte contre X, dont l'AFP a eu copie, dénonce plusieurs infractions possibles comme la prise illégale d'intérêts, le détournement de fonds publics ou la concussion, mais aussi l'abus d'autorité, l'abus de biens sociaux ou la présentation inexacte des comptes annuels.
Le document cible notamment un redressement fiscal que la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet aurait évité à la société Setforge, et ce possiblement contre l'avis de la justice, comme l'avait écrit Mediapart début septembre.
D'après la plainte, l'Urssaf a engagé contre Setforge "un redressement significatif portant sur plusieurs exercices de cotisations sociales impayées. Ce redressement avait été notifié, accepté par les services compétents et était en voie de recouvrement."
Mediapart soulignait que la décision aurait en outre fait l'objet d'une décision de justice défavorable à Setforge.
"Or, contre toute attente", accuse AC !! Anti-corruption, "la ministre du Travail est intervenue personnellement pour faire annuler purement et simplement ce redressement."
"Cette décision, prise sans base légale identifiable et contre l’avis des organismes chargés du recouvrement, a eu pour conséquence directe de soustraire à la Sécurité sociale des sommes qui lui étaient dues et de faire bénéficier Setforge d’un effacement de dette sociale injustifié", dénonce encore l'association.
Le ministère a renvoyé vendredi à sa réponse à l'article de Mediapart. Mme Panosyan-Bouvet y explique que sa décision "fait suite à une instruction de plusieurs mois et des vérifications fines de la situation de l’entreprise par les services de l’Etat". Elle rappelle avoir été saisie par plusieurs responsables dont des représentants syndicaux, des élus ou le préfet.
L'entreprise aurait dû voir ses cotisations sociales majorées après que des salariés ont obtenu la reconnaissance qu'ils avaient été exposés à l'amiante, souligne-t-elle.
Elle explique avoir décidé de ne pas appliquer ce taux majoré, car l'entreprise n'utilisait plus l'amiante depuis au moins 2021, qu'elle avait été rachetée par son nouveau propriétaire, Setforge, en 2021, et qu'une augmentation de cotisation menaçait "la viabilité de l'entreprise" et sa centaine d'emplois.
La plainte vise par ailleurs la "disproportion manifeste" entre l'"activité réelle" de Setforge "et les masses financières qu'elle manipule".
Pour AC!! Anti-corruption, cette "société structurellement déficitaire et financièrement artificialisée a détourné ou employé de façon suspecte des financements publics et privés".
"Quand nous voyons la situation de la France et surtout la situation de la Sécurité sociale, nous ne pouvons comprendre la décision d'une ministre, à contre-courant d'une décision de justice. Nous espérons qu'une enquête permettra de nous dire pourquoi une telle décision" a réagi auprès de l'AFP Marcel Claude, président d'AC !! Anti-corruption.
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