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"Il y a une bonne et une mauvaise transparence et pas de droit à l'oubli dans une société numérique"

Par Benjamin Jeanjean

Co-auteur du livre Mortelle transparence avec Denis Olivennes, Mathias Chichportich était l’invité du Grand Matin Sud Radio ce mardi pour évoquer les bienfaits et les risques de ce concept.

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Sommes-nous désormais arrivés à l’ère de la transparence en politique ? Depuis de nombreux mois, l’exigence d’exemplarité des personnages publics se fait très forte du côté des citoyens, un peu trop même selon certains qui dénoncent régulièrement un tribunal médiatique et numérique qui aurait pris le pas sur la "vraie" justice. Co-auteur de Mortelle transparence avec Denis Olivennes, Mathias Chichportich était l’invité du Grand Matin Sud Radio ce mardi pour évoquer ce sujet.

"Nous sommes les instruments de notre propre servitude volontaire"

"L’équation est assez simple : idéologie de la transparence + puissance des nouvelles technologies = menace pour nos droits, nos libertés et notre civilisation. Avec Denis Olivennes, nous déclinons cette thèse à travers des exemples concrets pour que les gens puissent revisiter leur quotidien à travers cette menace. C’est une menace singulière puisque nous en sommes les propres auteurs, à l’inverse des tyrannies des anciens régimes ! Nous sommes les instruments de notre propre servitude volontaire. C’est ce sur quoi nous voulons attirer l’attention et le débat", explique-t-il.

Selon lui toutefois, la transparence n’est pas un mauvais concept en soi. "Comme pour le cholestérol, il y a une bonne et une mauvaise transparence. La bonne transparence, c’est lorsque des journalistes, à travers des investigations et dans un souci d’intérêt général, révèlent des faits qui, parfois, peuvent violer la vie privée. La mauvaise transparence, c’est le poujadisme numérique. Je suis avocat, et je reçois presque tous les mois des personnes dont la réputation a été ruinée, des personnes qui ont été clouées au pilori 2.0. C’est ça que nous dénonçons. À l’inverse, quand la presse fait son métier, c’est tout à fait légitime dans une société de liberté", souligne-t-il.

"Il n’y a pas de droit à l’oubli dans la société numérique"

Pour Mathias Chichportich, l’essor d’Internet et des réseaux sociaux a joué un rôle d’accélérateur de cette tendance. "La société numérique flatte notre narcissisme, la part que nous voulons montrer à l’extérieur, qui est nécessairement flatteuse et qui utilise nos vices pour promouvoir une transparence dont elle se nourrit. C’est à cela qu’il faut faire attention car il n’y a pas de droit à l’oubli dans la société numérique. Vous pouvez avoir été associé à une accusation, et peu importe qu’elle soit vraie ou fausse, que vous ayez bénéficié d’un classement sans suite, d’un non-lieu ou d’une relaxe, vous serez systématiquement et inlassablement associé à cette accusation", déplore-t-il avant d’adresser un avertissement. "Nous sommes tous potentiellement un jour l’objet d’une dénonciation calomnieuse, d’une diffamation, d’un chantage, d’une menace... Il faut bâtir une société avec des garanties. La présomption d’innocence est un mot un peu galvaudé aujourd’hui et parfois utilisé à tort et à travers, mais c’est l’un des piliers de la démocratie. S’il se transforme en une présomption de culpabilité généralisée, alors il y a véritablement danger", prévient-il.

"Il y a l’influence d’une idéologie un peu puritaine qui nous vient des États-Unis. Il y a un vrai décalage dans la manière d’appréhender le vivre-ensemble. Il ne faudrait pas glisser d’une société qui est celle des Lumières, qu’on a inventée en France au 18ème siècle en même temps que la vie privée, vers une société qui ne protégerait plus cette vie privée car totalement en proie à une société numérique devenue hors de contrôle", ajoute-t-il.

Réécoutez en podcast toute l’interview de Mathias Chichportich dans le Grand Matin Sud Radio

 

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