Je ne veux choquer personne. Mélanie était visiblement formidable, solaire. Elle mérite les hommages, la compassion de la nation et sa famille mérité notre solidarité. Puisqu’elle a été tuée dans l’exercice d’une mission de service public, c'est très bien que son petit garçon soit pupille de la nation.
Mais la Légion d’Honneur récompense les services éminents rendus à la nation. Pour être chevalier, par exemple, il faut justifier de 20 ans de services publics ou d'activités professionnelles. Pendant longtemps, elle était décernée à titre posthume seulement aux morts au champ d’honneur. La décerner à Mélanie n’a pas de sens, sauf à considérer que la France est un champ de bataille.
Mais elle rendait service à la nation
Alors donnons la Légion d’honneur à tous les professeurs, policiers, pompiers, juges et pourquoi pas aux pêcheurs et aux infirmières qui rendent aussi des services à la nation.
Si on la décerne à Mélanie, et c'est ça qui me gêne, ce n’est pas pour ses mérites mais parce qu’elle a été victime d’un crime odieux dans l’enceinte de l’école. Comme si être victime faisait de vous un héros. Les attentats de 2015 ont certainement tué des nigauds, des salauds et des pleutres, paix à leur âme. Le pogrom du 7 octobre aussi. On peut être victime parce qu’on a refusé de se laisser intimider, comme Samuel Paty, mais généralement, c’est parce qu’on appartient au mauvais groupe ou parce qu’on est au mauvais endroit au mauvais moment. Et cela n’est pas une preuve de courage. Les participants au festival Nova en Israël ne voulaient pas être le symbole de la barbarie djihadiste.
Mélanie semblait attirer l’amour. Cette Légion d’honneur n’est pas un scandale mais une incongruité. Elle est révélatrice du sacre de la victime. La victime devient un statut auquel tout le monde aspire, des chiffres qu’on cite triomphalement, et un totem d’immunité contre la critique. Mélanie ne voulait pas être une victime, elle voulait vivre. Au lieu de nous donner bonne conscience avec une médaille posthume, on devrait plutôt essayer de comprendre comment nous avons collectivement échoué à la protéger.
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