Sébastien Lecornu est resté évasif mercredi sur ses intentions en recevant les oppositions, qui sont restées sur leur faim et agitent toujours la menace d'une censure, à commencer par les socialistes, au centre de ses attentions pour assurer sa survie.
Les représentants du Parti socialiste, des Ecologistes et du Rassemblement national ont été reçus tour à tour pendant près de deux heures par le nouveau Premier ministre. La France insoumise est le seul parti à avoir refusé l'invitation.
"Nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, à sa sortie de Matignon, jugeant M. Lecornu "très flou sur ses intentions".
"On n'a pas eu de réponses très claires", a renchéri ensuite la patronne des Ecologistes Marine Tondelier, estimant que le Premier ministre "n'arrive pas à boucler son équation". Donc "soit Sébastien Lecornu renverse la table, soit il sera renversé", a complété la cheffe de file des députés verts Cyrielle Chatelain.
Au Premier ministre de "prouver qu'il est véritablement dans une rupture" avec "la politique macroniste", "pour l'instant, ses intentions restent des intentions", a déclaré ensuite Marine Le Pen, cheffe de file des députés du RN, pour qui "ce soir, on n'est nulle part".
"Il y a des attentes très fortes aujourd'hui dans le pays et s'il poursuit la politique qui est menée jusqu'à présent, alors il tombera", a mis en garde à ses côtés le président du parti d'extrême droite Jordan Bardella.
- Pression de la rue -
Chacun à sa manière, les partis d'opposition disent ainsi vouloir prendre au mot le chef de gouvernement qui a promis à son arrivée des "ruptures" sur le fond et sur la forme, mais n'en a pas encore défini le contenu.
Tous menacent ouvertement de censure ce nouveau Premier ministre très proche d'Emmanuel Macron, s'il ne répond pas à leurs demandes.
M. Lecornu a ensuite reçu le Parti communiste et devait terminer la journée par Place publique, le mouvement de Raphaël Glucksmann, après avoir déjà rencontré syndicats et patronat.

Le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous prononce un discours à l'Assemblée nationale, à Paris, le 1er juillet 2025
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Sébastien Lecornu, qui a déjà échangé avec les chefs des partis du "socle commun" réunissant le centre et la droite, doit les recevoir à nouveau jeudi à déjeuner, afin de mieux coordonner cette fragile coalition gouvernementale née il y a un an.
Son prédécesseur François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un conclave sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques pour 2026 qui a fait hurler toutes les oppositions.
"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution" d'Emmanuel Macron, "nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a plaidé Olivier Faure. Mais s'il s'agissait de reprendre le plan Bayrou, "nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", a-t-il prévenu.
Sébastien Lecornu pourrait prononcer ce discours "début octobre" devant le Parlement, selon Marine Tondelier.
Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors que syndicats et partis de gauche promettent une "journée noire" jeudi, protestant contre les mesures budgétaires "brutales" initialement proposées par François Bayrou.
Sébastien Lecornu a déjà fait des gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, premier déplacement consacré à l'accès aux soins, et suppression, très symbolique, des derniers avantages "à vie" octroyés aux ex-Premiers ministres.
Les socialistes comme les écologistes ont cité un sondage Ifop commandé par le PS montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, visite le centre de santé départemental de Mâcon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025
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Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros, la fameuse taxe Zucman qui enflamme le débat budgétaire.
Sébastien Lecornu s'est dit prêt à travailler sur la "justice fiscale", mais il veut faire "attention au patrimoine professionnel" visé par cette taxe.
Le RN rejette de son côté la taxe Zucman, sans fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés qui préserve "les biens professionnels".
Marine Le Pen a dit en revanche se "réjouir" de tous ceux qui demandent un référendum sur l'immigration, comme le patron de la droite et ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, et "espérer" que M. Lecornu parle de ce sujet.
Par Anne RENAUT, Lucile MALANDAIN / Paris (AFP) / © 2025 AFP