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Des pharmaciens toujours en colère malgré l'accord avec le gouvernement

Par Justine Houllé

ANALYSE SUD RADIO - Après des mois de tensions et trois journées de grève, les pharmaciens ont obtenu gain de cause auprès du gouvernement en bénéficiant pour trois mois de la baisse des remises commerciales sur les médicaments génériques. Mais cette décision ne fait malgré tout pas l'unanimité. Explications.

MJ_Prototype de Getty Images

L'exécutif espérait apaiser la colère... mais la profession reste sur le qui-vive. En effet, derrière ce qui semble être une pause technique, les pharmaciens dénoncent une attaque plus large contre tout un modèle économique, sanitaire et social. Les précisions avec Stéphane Pichon (pharmacien de l'Ordre régional des pharmaciens en PACA-Corse), au micro de Benjamin Glaise dans "Le Petit Matin".

Une victoire en trompe-l'oeil

Contesté par les syndicats de la profession, le décret du 04 août abaissait de 40 à 30% le plafond des remises que les laboratoires peuvent accorder aux pharmacies sur les médicaments génériques, avec une nouvelle baisse prévue à 20% dès 2027. Un changement qui menaçait directement les marges des officines... en particulier dans les zones rurales, déjà fragiles.

Face à la grogne du secteur, Matignon a fait machine arrière en repassant le taux de remise à 40%... provisoirement. Autre mesure annoncée par Sébastien Lecornu ce mardi : le "renforcement" de l'offre de soins de proximité, qui comprend notamment la réalisation de "tests d'orientation diagnostique pour les angines ou les cystites", le renouvellement d'"ordonnances de contraceptifs oraux jusqu'à six mois après leur expiration" ou encore la prolongation "jusqu'à trois mois de traitements chroniques stables comme l'hypertension ou le diabète". Un soutien financier est également prévu pour "900 pharmacies rurales et plus globalement dans les territoires fragiles", avec une enveloppe de 20 000 euros sur trois ans (sous conditions).

Mais dans les rangs de la profession, la prudence est de mise. Preuve en est avec Stéphane Pichon, qui semble sceptique : "Est-ce une victoire pour le secteur ? Je ne sais pas. La mesure est suspendue, pas abrogée". Au micro de Benjamin Glaise, le représentant de l'Ordre régional des pharmaciens en PACA-Corse rappelle que le réseau pharmaceutique français est déjà organisé de manière équilibrée -une pharmacie par commune de plus de 2 500 habitants- et que le vrai problème est ailleurs : "Si autour de la pharmacie il n'y a pas d'environnement médical, petit à petit elle meurt".

Un autre coup, plus violent encore

Surtout, une autre décision, passée plus discrètement, inquiète encore davantage la profession. Le 18 septembre, le Comité économique des produits de santé (CEPS) a imposé une baisse drastique sur les prix de nombreux médicaments courants. Pour certaines molécules, la baisse peut aller jusqu'à 40%. "C'est une véritable casse économique, plus violente encore que la baisse des remises sur les génériques, qui impactait déjà 15% du chiffre d'affaires des pharmacies", alerte Stéphane Pichon. Le risque derrière cette mesure ? Que les laboratoires tournent le dos au marché français, devenu peu rentable, ce qui provoquerait un effet en chaîne sur les approvisionnements.

Et les conséquences se font déjà sentir, déplore le représentant de l'Ordre régional des pharmaciens en PACA-Corse. En effet, des médicaments comme le Colchimax -pour traiter la goutte- ou le lithium -très efficace pour traiter les troubles bipolaires- ne sont désormais plus disponibles en France... alors qu'ils le sont chez nos voisins européens. "On est en train de complètement déshabiller le marché pharmaceutique français. Si on continue, les pénuries seront encore plus nombreuses cet hiver", prévient-il.

Un modèle en péril

Pour Stéphane Pichon, la profession est à la croisée des chemins : "En France, il y a la schizophrénie du gouvernement. On nous demande de faire des antennes de pharmacie pour conserver la proximité et de l'autre côté, on casse notre réseau pharmaceutique pourtant unique au monde par sa répartition".

À l'issue de la rencontre du 24 septembre, Philippe Besset (président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France) a annoncé vouloir mettre en place "un nouveau modèle économique de la pharmacie d'officine avec les services du gouvernement", mais également "s'intégrer dans le réseau France Santé". Mais sur le terrain, l'urgence reste la même : éviter l'effondrement. "On ne renforce pas la présence d'officines dans un certain nombre de territoires ruraux, on empêche qu'elles disparaissent", regrette Stéphane Pichon (Ordre régional des pharmaciens en PACA-Corse).

Pour l'heure, les pharmaciens réclament "l'abrogation" pure et simple du décret... faute de quoi, la mobilisation pourrait de nouveau monter.

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