« Nous avons entendu ces dernières heures la joie des observateurs se réjouissant que la France est vendue 100 Rafale à l'Ukraine. Alors, c'est une cérémonie mise en scène par le président de la République c'était dans la base aérienne de Villacoublay. Il s'agit d'une lettre d’intention. Ça dit bien ce qu'elle veut dire, c'est un projet. C’est une forme de promesse, s'engageant la France à vendre 100 Rafale à l'Ukraine.
Alors, on peut se réjouir, bien entendu. Il est important que l'Ukraine s’arme. Et c'est parce qu'elle n'est peut-être pas suffisamment armée qu'aujourd'hui elle est en difficulté militaire. Et à en croire certains commentateurs et autres experts d'illusions perdues, le match est sauvé. Alors, on va faire un petit décryptage éclairant.
"Les 100 Rafale ne pourront pas être livrés avant 2030"
Il s'agit donc d'une lettre d’intention. Pour l'instant ça n'engage à rien. La lettre d'intention est signée par le président de la République. Mais ce n'est pas lui qui en dernier ressort décide d'une vente d'armes, mais le gouvernement avec la signature du premier ministre et du ministre des armées. Et compte tenu du délai de livraison de ces Rafale, si la commande est confirmée, il reste encore 239 avions Rafale à livrer aux commandes actuelles.
239 avions Rafale, aujourd'hui Dassault dans son rythme le plus rapide peut en produire quatre par mois. Donc si on fait un calcul, les 100 Rafale destinées à l'Ukraine ne pourront pas être livré avant décembre 2029 ou janvier 2030. On suppose que d'ici là il se sera passé beaucoup de choses entre Moscou, Kiev et l’Europe. Quatre ans de délai, je trouve que c'est un petit peu optimiste pour penser que ça peut avoir changé le sort auquel l'Ukraine est soumise.
"La facture s'élèverait à 19 milliards d'euros"
La facture s'élèverait à 19 milliards d'euros en totalité, parce qu'il n'y aurait pas que des avions. Il y aurait aussi d'autres formes d'armement et des drones. Les avions eux-mêmes c'est un peu plus de 11 milliards. Et on se pose la question, mais qui va payer ? Les finances de l'Ukraine sont exemptes, mais c'est normal puisqu'elle est un état de guerre. Mais est-ce qu'à ce moment-là ce serait le contribuable français ou européen qui paiera ? Certains ont suggéré l'idée que ce soit les avoirs russes qui sont gelés en Belgique à Bruxelles. Ils serviraient à payer cette facture de 19 milliards d'euros pour offrir les avions Rafale à l'Ukraine.
Mais ce serait une décision absolument catastrophique. Parce que c'est toute la fiabilité de l'économie européenne qui serait remise en cause. Vous imaginez tous les pays qui ont déposé, qui ont des avoirs aujourd'hui dans le système bancaire européen, à qui on dirait, mais s'il suffit que vous soyez malpensants ou que vous ayez commis un acte qui ne nous plaît pas, nous pourrions, en violation totale du droit international et des règles les plus exigeantes de l'économie et des échanges financiers, on peut geler vos avoirs, piocher dedans et payer avec cela ce qu'on aurait envie. Donc, image catastrophique.
"Dassault ne se fait pas non plus beaucoup d’illusions"
Je crains, hélas, que l'Ukraine ne voie pas la couleur de ces Rafale. Je crois que la société Dassault ne se fait pas non plus beaucoup d’illusions. Même si c'était très important pour elle, au lieu d'acheter du matériel américain, des armes américaines, pour compenser ce que l'on a donné à l'Ukraine, on va peut-être se fournir dans l'Union européenne et dans l'industrie d'armement européen. Enfin, ça c'est la seule bonne nouvelle, mais elle est philosophique pour l'instant, elle ne correspond à rien.
La conclusion c'est qu'on continue à encourager les Ukrainiens à leur promettre des choses qu'on ne pourra pas tenir. Une tragédie dans laquelle l'Europe a aidé l'Ukraine à se plonger. Parce qu'on les a quand même poussées à se défendre, à faire la guerre. Et on n'est pas là pour les soutenir, on ne s’est pas donner les moyens réels pour aider l'Ukraine à s'en sortir. Donc il serait bien qu'un jour, pour de vrai, on passe des paroles aux actes, et pas avec de vaines promesses qui ne seront appliquées que dans quatre ans. »
Retrouvez L'humeur de Périco Légasse du lundi au jeudi dans La France Dans Tous Ses États sur Sud Radio de 12h à 14h.