Retrouvez l'édito politique de Laurent Mauduit chaque mardi à 7h20 sur sudradio.fr.
Vous voulez nous faire part ce matin, Laurent, de l’état de sidération dans lequel vous êtes. Mais qu’est-ce qui vous arrive ?
Sidération ? C’est le bon mot. Et je crois que c’est aussi ce qu’éprouvent beaucoup de ceux qui nous écoutent. Car tout de même ! Pensez à cette séquence politique folle dans laquelle la France est plongée. Une séquence interminable, avec des crises à répétition. Avec des crises qui s’enchaînent les unes aux autres sans jamais s’interrompre. Il y a eu la crise des gilets jaunes. Et puis il y a eu le mouvement de colère contre la réforme des retraites. Et puis il y a eu le mouvement d’indignation des avocats. Et puis, il y a encore l’indignation des personnels hospitaliers. Et puis, il y a encore les violences policières, indignes d’un État de droit. Et puis, comme pour couronner le tout, il y a cette affaire Griveaux, qui est certes une affaire privée, mais qui exhale tout de même un parfum de grave irresponsabilité. En bref, oui, sidéré, parce que nous baignons dans un climat de fin de règne, passablement désespérant ; parce que nous traversons une crise sans fin, qui forcément laissera des traces…
Dans une démocratie, il y a pourtant, toujours des solutions de sortie de crise…
Dans une démocratie apaisée, oui : le Parlement est le lieu où les majorités se font et se défont ; où des compromis s’élaborent ; où les crises, donc, peuvent être surmontées. Mais en France, avec les institutions néo-monarchiques que nous avons, il n’y a que deux sorties de crise possibles. Par la dissolution. Ou par la référendum. Or, vous le savez bien, et c’est ce qu’il y a de pathétique dans la situation d’aujourd’hui : aucune de ces deux issues ne fonctionne. Vous imaginez Macron organiser un référendum – allez, au hasard…- sur la réforme des retraites ? Impossible ! Il sait qu’il serait massivement désavoué. Alors, vous l’imaginez dissoudre ? Tout aussi impensable, car il sait pertinemment que sa majorité serait balayée. Pour Macron, ne subsiste donc qu’une solution : continuer, envers et contre tout. S’enfermer dans ce tunnel, et persévérer.
Ce que vous dites est inexact. Sous la Vème République, il y a eu des chefs d’État qui ont cherché des voies pour une sortie de crise…
Oui, vous avez raison, et cela s’est toujours très mal passé. Pour tourner la page de 68, de Gaulle organise un référendum en 69, et le voici aussitôt renvoyé à Colombey. Avant d’engager un virage vers l’austérité, Chirac, lui, prononce la dissolution, en 1997 et le voilà condamné à inaugurer les chrysanthèmes. Or, Macron n’ignore évidemment rien de ces précédents fâcheux et n’a donc aucune envie de faire comme eux. Au risque de connaître le même sort qu’eux.
Et c’est précisément pour cela que ces institutions autoritaires sont dangereuses. Elles autorisent l’entêtement présidentiel. Quand bien même la démocratie en sorte finalement en lambeaux…