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De premiers doutes émergent sur l'accord au forceps de l'Europe sur la migration

Par Jérémy Jeantet (avec AFP)

L'accord bouclé dans la nuit de jeudi à vendredi entre les dirigeants de l'Union européenne sur les migrations commence déjà à montrer des signes de fragilité, alors que quelques dirigeants européens témoignent peu d'enthousiasme à s'y plier.

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De premiers doutes commençaient à émerger sur l'accord bouclé dans la nuit de vendredi entre les dirigeants de l'UE sur les migrations, certains d'entre eux se montrant déjà peu enclins à faire preuve de solidarité quant à la prise en charge des arrivants réclamée par l'Italie, qui avait menacé de faire capoter le sommet.

Comme à leur habitude, les dirigeants des quatre pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République Tchèque et Slovaquie) ont refusé de prendre activement part à la politique d'accueil : dans la matinée, ils insistaient avant tout sur l'abandon de la solidarité imposée avec des quotas.

"Il est clair que la relocalisation des migrants ne pourra pas s'effectuer sans l'accord préalable et le consentement des pays concernés. Ainsi la Hongrie restera un pays hongrois et ne deviendra pas un pays de migrants", a renchéri le Hongrois Viktor Orban.

"En ce qui concerne les quotas volontaires, je serai très prudent", a également averti son homologue Slovaque Peter Pellegrini.

Le compromis, conclu à 4h30 du matin après neuf heures de discussions, propose une "nouvelle approche" avec la création de "plateformes de débarquements" de migrants en dehors de l'UE pour dissuader les traversées de la Méditerranée.

Pour les migrants secourus dans les eaux européennes, des "centres contrôlés" sont proposés, que les Etats membres mettraient en place "sur une base volontaire", et d'où une distinction serait faite "rapidement" entre migrants irréguliers à expulser et demandeurs d'asile légitimes, qui pourraient être répartis dans l'UE, là aussi "sur une base volontaire".

L'accord appelle aussi les Etats membres à "prendre toutes les mesures" internes nécessaires pour éviter les déplacements de migrants entre pays de l'UE, ces "mouvements secondaires" convergeant souvent vers l'Allemagne, où ils sont au cœur du débat politique qui fragilise Angela Merkel.

Un avertissement est en outre lancé aux ONG. "Tous les vaisseaux opérant en Méditerranée doivent respecter les lois applicables et ne pas obstruer les opérations des gades-côtes libyens".

"L'Italie n'est plus seule", s'était alors réjoui le chef du gouvernement populiste italien Giuseppe Conte. Mais l'Italie, pays de première arrivée en Méditerranée avec la Grèce, Malte et l'Espagne, restera en charge des arrivants débarqués sur ses côtes.

Ainsi la France et la Belgique annonçaient clairement la couleur vendredi matin. "La France n'est pas un pays de première arrivée. Certains voulaient nous pousser à cela, mais j'ai refusé", a insisté le président Emmanuel Macron à son arrivée pour la reprise des travaux du sommet européen.

Le Premier ministre belge Charles Michel a été tout aussi catégorique. "Tant que l'accord de Dublin (sur les règles pour la prise en charge des demandes d'asile) n'aura pas été réformé, il n'y aura pas de solidarité", a-t-il déclaré. 

La Belgique est l'un des huit pays de l'UE à avoir accepté de prendre en charge les rescapés du navire humanitaire Lifeline autorisé à accoster sur l'île de Malte après avoir été refusé par l'Italie. "Cette opération ne sera pas renouvelée avant une réforme de Dublin", a averti Charles Michel.

Angela Merkel "optimiste"

Dans la nuit, la chancelière allemande, dont l'autorité est défiée sur la question migratoire par ses alliés de la CSU, l'aile droite de sa coalition, qui la trouve trop laxiste en la matière, s'était dit "optimiste sur le fait de pouvoir continuer à travailler". Elle avait toutefois convenu : "Il nous reste beaucoup à faire pour rapprocher les différents points de vue"

De longues tractations ont été nécessaires pour parvenir à ce compromis, qui reste encore flou sur de nombreux points.

Emmanuel Macron a apporté quelques indications vendredi. "Les centres en Europe se feront sur une base volontaire dans les pays de premier accueil. Ils doivent dire s'ils sont candidats. Certains l'ont exprimé autour de la table. Ils leur appartient de le faire publiquement", a expliqué le chef de l'Etat français. 

Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a écarté l'idée d'installer un tel centre en Autriche. "Bien sûr que non. On n'est pas un pays qui a une frontière extérieure de l'UE, on n'est pas un pays de première arrivée, sauf si les gens sautent en parachute", a-t-il déclaré.

Des centres hors de l'UE

Débarquer les migrants hors de l'UE épargnerait aux Européens de se quereller pour la prise en charge de navires. Mais les contours du projet restent encore très flous, et il suscite de nombreuses questions sur sa compatibilité avec le droit international.

Le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a déjà fait savoir jeudi que son pays rejetait l'idée de tels centres d'accueil hors de l'UE. Le président albanais s'y est également fermement opposé.

L'une des clefs du succès du compromis trouvé par les 28 sur les migrations est la réforme de Dublin. Ce règlement impose aux pays de première entrée dans l'UE la responsabilité principale du traitement des demandes d'asile.

La Commission propose de déroger à ce principe en période de crise, avec une répartition des demandeurs d'asile depuis leur lieu d'arrivée. Mais des pays comme la Hongrie et la Pologne, soutenus par l'Autriche, s'y opposent frontalement. 

L'Italie demande de son côté un système permanent de répartition, et l'abandon pur et simple du principe de la responsabilité du pays d'arrivée.

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