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"Ce n'est pas une loi sur la fin de vie, c’est une loi pour les pauvres et les isolés" affirme Philippe Juvin

Par Aurélie Giraud

Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine et chef du service des Urgences de l'hôpital Pompidou, était “L’invité politique” sur Sud Radio.

Philippe Juvin fin de vie
Philippe Juvin, interviewé par Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio, le 27 mai 2025, dans “L’invité politique”.

Loi sur la fin de vie, déficit de la Sécurité sociale, comptes publics, élection de Bruno Retailleau à la présidence des LR, prochaines élections présidentielles : Philippe Juvin a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin.

"Ce n’est pas une loi sur la fin de vie, c’est une loi faite par des bien portants"

Pour Philippe Juvin, la loi sur l’aide active à mourir ne protège pas les plus vulnérables. "Ce n’est pas une loi sur la fin de vie, pas une loi de libertés, et les critères ne sont pas stricts", dénonce le député LR. Il redoute une loi qui s’appliquera en priorité aux plus fragiles. "C’est une loi faite par des gens bien portants, mais qui va d’abord s’appliquer aux gens pauvres et aux isolés qui n’ont pas d’autres solutions" estime le député..

Dans un propos très cru, il décrit la solitude des patients précaires : "Quand vous êtes grabataire, que vous êtes dans votre sueur, votre urine, vos selles (…) et que l’infirmière ne passe qu’une fois par jour, est-ce que vous êtes libre ?". Il rappelle qu’en Ontario, 30% des bénéficiaires de l’aide à mourir sont des personnes handicapées : "Plutôt que d’aider à vivre, on leur offre une aide à mourir" dénonce Philippe Juvin.

"Quand vous êtes dépressif, autiste, schizophrène ou déficient intellectuel, non, votre consentement n’est pas libre"

Philippe Juvin insiste sur les dangers d’un texte qu’il juge flou et mal encadré. Il met en doute la notion même de discernement : "Quand vous êtes dépressif, autiste, schizophrène ou déficient intellectuel, non, votre consentement n’est pas libre". Le texte ne prévoit pas l’intervention obligatoire d’un psychiatre, ce qu’il juge "extrêmement préoccupant".

Il alerte également sur les critères médicaux retenus : "On peut vivre plusieurs années avec un cancer du sein avec des métastases osseuses. Mais cela rentre dans les critères de l’euthanasie !". Pour le député-médecin, la formulation actuelle ouvre la porte à des dérives irréversibles, affectant des patients dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme.

"Un pédicure podologue ou un orthoptiste pourra se prononcer sur votre cas"

Le processus de décision pose aussi problème à Philippe Juvin. Selon lui, la procédure n’est pas collégiale et laisse trop de marge à un unique médecin. "Vous ne verrez physiquement qu’un seul médecin, et c’est lui qui décidera". Les autres professionnels consultés pourront ne jamais avoir rencontré le patient.

Il ajoute avec une pointe d’ironie : "Avec la loi telle qu'elle est écrite, un pédicure podologue ou un orthoptiste pourra se prononcer sur votre cas". Il regrette que la loi permette à des professionnels de santé qui n’ont jamais vu le patient d’émettre un avis déterminant sur son cas. "Ce n’est pas acceptable", insiste-t-il, appelant à un contrôle plus rigoureux, notamment judiciaire, en amont.

Fin de vie : "Je voterai contre le texte sur l'aide active à mourir"

Pour Philippe Juvin, la priorité des Français est claire : ils veulent être soulagés, pas euthanasiés. "Les Français ne veulent pas qu’on les aide à mourir, ils veulent moins souffrir", martèle-t-il. Il souligne l’incohérence du système actuel : "Il sera plus rapide d’avoir un rendez-vous pour l’euthanasie – 2 à 17 jours – que pour une consultation contre la douleur – 2 à 9 mois".

Le député LR confirme qu'il votera contre la légalisation de l’aide active à mourir. Il appelle à "améliorer l’accès aux soins palliatifs" plutôt que d’ouvrir un droit nouveau "qui risque de devenir une réponse par défaut à la souffrance".

"Aucun député ne vote la loi sur la fin de vie pour faire des économies"

Philippe Juvin tient à dissiper un malentendu sur les intentions du législateur : "Aucun député ne vote la loi sur la fin de vie pour faire des économies". Il insiste sur le fait que les motivations sont philosophiques ou éthiques, et non budgétaires. Toutefois, il note que des économies "de facto" sont inévitables, en citant l’exemple canadien : "Au Canada, ils ont fait 80 millions de dollars d’économies grâce au suicide assisté".

Philippe Juvin s’interroge aussi sur certaines prises de position : "Je suis frappé qu’un certain nombre de mutuelles, dont le rôle est de rembourser les soins, soient favorables au suicide assisté". Il évoque un possible conflit d’intérêts et appelle ces organismes à se recentrer sur leur mission première. "Je préférerais qu’elles utilisent l’argent de leurs adhérents pour rembourser les soins en fin de vie, comme les laxatifs nécessaires en cas de traitement morphinique".

"Le texte sur les soins palliatifs n’apporte pas grand chose, c’est de l’incantation, de l’affichage"

S’il votera en faveur du texte sur les soins palliatifs, Philippe Juvin estime qu’il ne répond pas aux vrais besoins. "C’est un texte qui n’apporte pas grand-chose, c’est de l’incantation, de l’affichage", déclare-t-il. Il pointe l’illusion d’un financement garanti sur dix ans : "On n’est pas fichus de boucler les comptes de cette année, comment garantir un plan sur une décennie ?".

Il reproche aussi l’absence de mesures concrètes sur la formation des soignants et l’organisation des soins. "On dit qu’on va développer les soins palliatifs, mais on ne dit pas comment". Pour lui, le texte actuel ne fait que masquer l’insuffisance criante de l’offre existante.

Déficit de la Sécurité sociale : "Pierre Moscovici a raison de tirer la sonnette d'alarme"

Le rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale est sorti. Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, est alarmiste : le dérapage est hors de contrôle, on est à plus de 15 milliards d'euros de déficit sur l'année 2024. Un niveau "probablement sous-estimé", selon Philippe Juvin. Il craint une rupture brutale : "Le risque, c'est qu'un jour, on ne nous prête plus d'argent. Tout peut s'arrêter brutalement".

Le député identifie deux leviers majeurs : "augmenter les recettes", notamment en incitant au travail, et "baisser les dépenses", en luttant contre les dérives. "En France, on travaille moins qu’ailleurs, c’est une réalité", affirme Philippe Juvin. Il appelle à une réforme urgente et structurelle.

"Il y a une augmentation de 56 % des arrêts maladie en 5 ans"

Philippe Juvin dénonce un effondrement du sens des responsabilités dans le monde du travail. "Il y a une augmentation de 56 % des arrêts maladie en 5 ans ! C'est une société de laisser-aller !". Selon lui, l’arrêt de travail est devenu un "mode de régulation sociale", toléré voire encouragé par tous les acteurs.

Philippe Juvin alerte aussi sur la dispersion inefficace de l’offre de soins. "163 maternités font moins de deux accouchements par jour" souligne-t-il. Le député appelle à un toilettage pragmatique du système : "Moins de structures, mais mieux organisées, pour garantir la qualité et la sécurité". Il préconise la création de maisons de naissance et d’un meilleur maillage des soins, sans renoncer à l’accessibilité.

"Le temps des gens sérieux est revenu"

Philippe Juvin assume son soutien à Bruno Retailleau à la tête des Républicains. "Le temps des gens sérieux est revenu", affirme-t-il, en contraste avec "les tiktokers, les instagrammeurs" qui domineraient le débat public. Il salue le travail de Bruno Retailleau au sein du gouvernement, en particulier sur les sujets de sécurité.

Quant à la présidentielle 2027, il estime nécessaire une sélection interne claire des candidats . "Il faudra bien un moyen pour nous départager" affirme Philippe Juvin. Sans prononcer le mot "primaire", il en reconnaît la nécessité : "Quand il y a plus de deux candidats dans le bloc central, on ne sera pas au second tour".

Retrouvez "L’invité politique" chaque jour à 8h30 dans le Grand Matin Sud Radio avec Jean-Jacques Bourdin

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