François-Xavier Ménage publie un livre : Les oubliés - Enquête aux racines de la colère française (Éditions Robert Laffont).
Périco Légasse : qui sont les oubliés aujourd'hui ?
François-Xavier Ménage : Je vais vous donner un exemple de reporter. C'est une infirmière dans un désert médical, comme il y en a tant en France. C'est une infirmière qui arrive pour aider des patients qui n'ont plus de médecins, donc ça veut dire plus d'ordonnances. Cette infirmière travaille une partie de sa journée bénévolement, avec un coût immense pour elle, pour sa famille, pour sa santé. Et le coeur de ce livre, c'est de se dire : "Que se passe-t-il quand ces soldats du quotidien invisibilisés, dont on parle peu, qui n'ont pas toujours envie de prendre la parole, mais qui ont en revanche le sentiment d'être méprisés… Qu'est ce qui se passe quand leur moteur à eux s'arrête ?".
François-Xavier Ménage : "C'est le sentiment de donner, mais de ne pas recevoir assez, en termes de reconnaissance"
Comment le vivent-ils ?
Se développe chez eux une colère qui n'est pas la colère qu'on entend sur les réseaux sociaux, c'est pas les sauts de merde qu'on peut se prendre dans la gueule quand on allume son ordinateur ou son téléphone et parfois aussi à la télé - on est dans toute autre chose. Cette colère, elle est insondable, on en parle rarement, elle n'est pas populiste, elle est intrinsèque à de nombreux Français qui ont le sentiment de donner, mais de ne pas recevoir assez. Et on ne parle pas de fric, on parle de reconnaissance
"Un résumé de la France de la débrouillardise"
Périco Légasse : Un des premiers témoignages, c'est Patrick Harnais, conducteur et SDF. Il a un CDI, pourtant, il n'arrive pas à trouver de logement, il vit dans sa voiture….
François-Xavier Ménage : Là aussi, il faut rentrer dans les détails, parce que c'est en contextualisant qu'on se rend compte du moteur qui est celui de ceux qui ont envie de servir. Cet homme est en train de voir sa situation s'arranger maintenant : la RATP, qui l'a embauché en CDI, a fini par lui proposer un logement. Il faut savoir que la RATP a un parc social. Mais [un logement] n'était pas disponible à l'époque. Et puis, au début, il n'osait pas demander. Ça aussi, c'est une partie de la France silencieuse. Et ce qu'il avait comme priorité dans son budget chaque semaine, c'est de passer au pressing pour que sa chemise blanche, qui est celle qu'il porte quand il conduit des bus, que cette chemise soit impeccable. Je pense que ça résume une France de la débrouillardise. J'ai tendance à dire "la débrouillardise contrainte, subie, mais débrouillardise quand même".
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Retrouvez “Le face à face” de Périco Légasse chaque jour à 13h dans "La France dans tous ses états" sur Sud Radio.