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"Il y a une immense diaspora d’assassins qui sont prêts à frapper"

Par Jérémy Jeantet (avec AFP)

Dominique Raimbourg, ancien député socialiste et ancien président de la Commission des lois, revient sur la menace que représentent les gens qui adhèrent à l'idéologie de l'État Islamique et les difficultés de la loi française à faire face à certains cas particuliers, estimés dangereux mais qui n'ont rien fait de répréhensible.

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Au lendemain de l'attaque terroriste à Barcelone, qui a fait au moins 13 morts et plusieurs dizaines de blessés, et de l'attaque, dans la nuit, à Cambrils, également en Catalogne, Sud Radio bouleverse son antenne. Dans l'émission Seul contre Tous, Jean-Marie Bordry recevait Dominique Raimbourg, ancien député socialiste et ancien président de la Commission des Lois, et Philippe Cohen-Grillet, spécialiste police-justice pour Sud Radio.

Il y a, en Catalogne, une base arrière de djihadistes de longue date

Et pour Dominique Raimbourg, "la menace terroriste ne diminue pas", bien sûr, en Europe, mais l'ancien député évoque également les causes de cette menace : "On a toujours une situation explosive au Moyen-Orient, issue de cette guerre folle des États-Unis en Irak. Dans la majorité des cas, on a affaire à des fanatiques et, dans une petite fraction, on a affaire à des fous qui s'insèrent dans cette idéologie fanatique et qui récupèrent cette idéologie. Autour de l'État Islamique, on a des terroristes organisés, activés par un bloc de commandement probablement situé au Moyen-Orient. Il y a une immense diaspora d'assassins qui sont prêts à frapper."

Donner des moyens à la justice et la police

Pour Philippe Cohen-Grillet, on peut parler d'une "cellule terroriste" qui a agi, jeudi, en Catalogne : "Ça n'a rien d'étonnant. Il y a, en Catalogne, une base arrière de djihadistes de longue date. L'une d'elles a été démantelée en avril dernier par les polices espagnole et belge. Daesh, dans sa revendication, parle d'ailleurs de soldats de l'État Islamique, ce sont des termes militaires que Daesh emploie quand il s'agit d'une cellule."

La menace terroriste change notre façon d'être et nos mentalités

Face à cette menace identifiée, qui vient de frapper en Espagne comme elle a déjà, à plusieurs reprises, frappé en France, la question de la réponse des autorités devient centrale et reste problématique. "Il y a un problème de moyens, a indiqué Philippe Cohen-Grillet. J’ai discuté lundi avec le juge Choquet, premier vice-président de la section antiterroriste à Paris, nommé en septembre dernier, qui sera à la retraite en décembre. Avec ses homologues, ils sont 11 juges d’instruction pour plus de 350 dossiers. La DGSI, c’est 3800 personnes. En face, les fameux fichés S sont 20 000, dont 1500 liés à l’islam radical. Pour surveiller une personne H-24, il faut 7 personnes. C’est matériellement impossible. Donc, en effet, on doit passer par des mesures comme l’assignation à résidence ou la perquisition administrative. Mais on ne peut pas maintenir à résidence indéfiniment. Malheureusement, je regrette que le débat qui avait été lancé par François Hollande au lendemain de l’attentat du 13 novembre a été pollué parce qu’on s’est focalisé sur la déchéance de nationalité, qui existe déjà et qui a déjà été appliquée."

Régler le problème des assignations à résidence de longue durée

D'où la nécessité d'adapter la loi à la menace terroriste, ce qui s'est traduit, ces derniers mois, par l'inscription dans le droit commun de mesures permises par l'état d'urgence. Et les multiples attaques, ces derniers mois, ont aussi provoqué une évolution presque culturelle de la population, comme l'explique Philippe Cohen-Grillet : "Il y a des évolutions très sensibles qui commencent à avoir lieu. Par exemple, il y a actuellement des gardes de sécurité privés armés déployés au sein du parc Disneyland. C'est une première en France, des agents d'une société privée en contact direct de civils et de la population. Les moyens policiers n'étant pas extensibles, on ne peut pas surveiller tous les endroits, mais c'est un changement de culture très important. La menace change notre façon d'être et nos mentalités."

À ceux qui craignent que les libertés soient bridées, je rappelle que François Fillon a organisé un rassemblement avec des agités de Sens Commun place du Trocadéro, en appelant la foule à défiler contre la justice

"Les mesures qui ont été prises, permettre des assignations à résidence et des perquisitions de nuit, dans le droit commun, semblent être une bonne chose", a-t-il ajouté. Pourtant, certaines personnes se sont émues des risques que représentaient ces mesures pour les libertés publiques. "Il y a toujours un risque de dérives, a reconnu Dominique Raimbourg. C'est pour ça qu'à la commission des lois, on avait mis en place un système de suivi des mesures de l'état d'urgence. Il y a eu environ 5000 perquisitions depuis le 13 novembre 2015 et 450 personnes assignées à résidence. La difficulté, ce sont les assignations à résidence de longue durée."

Trouver d'autres moyens de condamner ceux qui n'ont encore rien fait de répréhensible

"À ceux qui craignent que les libertés soient bridées, je rappelle que les rassemblements de Nuit Debout ont été possibles et qu’un candidat à l’élection présidentielle, François Fillon, a organisé un rassemblement avec les agités de Sens Commun place du Trocadéro, en appelant la foule à défiler contre la justice", a répondu Philippe Cohen-Grillet. Quant aux assignations à résidence de longue durée, le spécialiste police-justice de Sud Radio évoque le cas particulier d'un homme, habitant à Toulouse, considéré comme dangereux par les services de renseignement, "assigné à résidence depuis le 17 novembre 2015" et qui a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme, avec de fortes chances d'obtenir la condamnation de l'État français.

"Marginalement, on s'est heurté à cette question du fait que ces personnes n'avaient pas fait quelque chose de pénalement répréhensible", a reconnu Dominique Raimbourg. D'où la nécessité de trouver d'autres moyens pour les faire condamner : "Al Capone, on a mis fin à sa carrière délinquante en épluchant ses déclarations fiscales. On a aussi élargi l'infraction d'association de malfaiteurs, de façon à ce que des actes qui sont, individuellement non répréhensibles, le deviennent par leur multiplicité."

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