On n'en connaît pas encore les contours mais je suis persuadé que le remaniement ne sortira pas l'exécutif de la crise. En effet, un remaniement peut avoir un effet sur l'opinion quand il a pour objet de changer de politique ou infléchir et de porter aux responsabilités des personnalités qui incarnent ce changement ou cet infléchissement. Par exemple, de Pierre Mauroy à Laurent Fabius, il y avait une cohérence. Les hommes nouveaux incarnent une politique nouvelle. Autre exemple, quand Valéry Giscard d'Estaing se sépare de Jacques Chirac en 1976 pour appeler Raymond Barre comme premier ministre, cela a évidemment une signification très importante : la sortie des Trente Glorieuses et l'entrée dans des politiques d'austérité.
Dans le cas présent, je ne donne pas crédit à Emmanuel macron de vouloir engager un sursaut. Car, pour lui en donner crédit il faudrait que deux conditions soient réunies. Premièrement, il faudrait un changement d'homme, d'abord à Matignon. Or le plus probable, c'est qu'Édouard Philippe reste aux commandes. Or Philippe, c'est le fidèle second d'Emmanuel Macron, c'est son grand chambellan. Si le premier ministre ne change pas, rien donc ne changera. Deuxièmement, il faudrait un changement politique ou un infléchissement politique, même mineur. Or, on sait qu'il en est hors de question avec la poursuite et même l'accélération des réformes néolibérales : réforme de l'assurance chômage, réforme du régime des reraites, privatisations...
Même si des personnalités nouvelles pourraient faire leur entrée, cela changerait quoi ? La vérité cruelle c'est celle qu'énonçait Mitterrand en 1964 contre le Général de Gaulle : "Il y a en France des ministres. On murmure même qu'il y a encore un premier ministre. Mais il n'y a plus de gouvernement. Seul le président de la République ordonne et décide. Certes, les ministres sont appelés rituellement à lui fournir assistance et conseil. Mais, comme les chérubins de l'Ancien Testament, ils n'occupent qu'un rang modeste dans la hiérarchie des serviteurs élus et ne remplissent leur auguste office qu'après avoir attendu qu'on les sonne". Et cette vérité-là n'a pas changé sous Macron : "Il faut tout que tout change, pour rien ne change".