Et ce voyage en dit long sur l’état d’esprit du chef de l’état. En clair : personne ne me mettra la pression, c’est moi qui décide. Un message très clair pour son premier ministre Édouard Philippe. Il serait excessif de dire que le torchon brûle entre eux. Mais il est juste de dire que la relation se complique. Édouard Philippe, qui est l’homme fort de cette séquence, veut imposer ses choix : remaniement large, et promotion ou entrée de certains de ses poulains comme Gérald Darmanin ou Christophe Bechu. Hors de question pour Emmanuel Macron, déjà contraint de modifier son agenda politique ! Il voulait remanier après les européennes. Et agacé de l’importance que prend son premier ministre dans l’opinion. Alors il procrastine, réfléchit, et s’en va en Arménie en laissant d’une certaine manière, en plan, son premier ministre et toutes les équipes prêtent à rentrer ou à sortir et qui s’échauffent depuis une semaine. Une manière de dire, ou plutôt de redire "Je suis votre chef".
Il y a néanmoins un souci d’équilibre politique. Car le en même temps n’est plus de mise. Ce gouvernement penche a droite. Les deux ministres d'État qui sont sortis. Nicolas Hulot et Gérard Collomb sont de gauche. C’est une figure de la gauche qui a dit non pour le ministère de l’intérieur : Jean Yves Le Drian. C’est un ex-socialiste, Christophe Castaner, qui semble-t-il a menacé de démissionner s’il n’obtient pas la place Beauvau. Et puis c’est aussi la gauche qui refuse. Bruno Julliard, qui a été effectivement sollicité et qui a refusé le ministère de la culture. Mathieu Klein qui fait partie des jeunes pousses socialistes, qui a lui aussi refusé et l’a fait savoir.
On est loin de la fascination des nombreux socialistes au moment de l’élection de Macron. Pourquoi ? Parce que la politique est de plus en plus à droite, de plus en plus libérale. Et même si on ne voit pas le malaise, il existe dans la majorité. Ensuite parce beaucoup d’élus ont compris que ce président là - avec sa façon de gouverner, très start-up, très abstraite et volubile, ne possède pas l'ancrage nécessaire avec les territoires, le lien avec ce pays, qui passe aussi, malgré ce qu’on en dit, par l’apprentissage politique - les échecs les victoires, la gestion de collectivités locales. Tout cela n’est pas dans l’ADN de Macron car ça ne s’invente pas. Ça s’acquiert et les élus prédisent déjà son échec.
De son côté, le PS reprend des couleurs. Des petites couleurs. Loin de la fonction tribunicienne de Jean-Luc Mélenchon. À petit pas. C’est un grand brûlé le PS et comme tous les grands malades, chaque petit pas, chaque petites victoires est encourageante. Et il y en a une lente remontée dans les sondages. Deux municipales partielles gagnées haut la main ce week-end par la gauche unie. Bien sûr, c’est local, mais dans ce marasme que vit le PS, depuis la présidentielle - ce sont des petits cailloux sur le chemin.
Macron le sait, connaît les dynamiques , et cherche encore à ramener dans ses filets des élus de gauche, pour tenter de tuer dans l’œuf cet embryon de renouveau. Pour le moment , il n’y parvient pas. Et même si Juliette Meadel, ou Didier Guillaume, ancien président du groupe PS au Sénat entrent au gouvernement, ça ne fait pas un casting fort. Le voyage en Arménie tombe à point nommé pour se poser, réfléchir, marquer son leadership sur son premier ministre et sa majorité. Laisser du temps au temps. Quitte à renvoyer l’image dans l’opinion d’un président isolé , déboussolé et pour tout dire, un peu dépassé par sa tâche