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Laurent Vronski : "Notre pays est dans une espèce d'engourdissement économique"

INTERVIEW SUD RADIO - Invité du "Grand Matin Sud Radio", Laurent Vronski, directeur général d'ERVOR et secrétaire général de Croissance Plus, une association d'entrepreneurs qui défend les entrepreneurs et l'innovation en France, exprime une forte attente de visibilité et de stabilité. Pour lui, la loi spéciale n’est qu’un budget provisoire qui ne rassure pas les acteurs économiques, et il appelle à un véritable budget capable de stimuler l’économie sans alourdir la fiscalité.

Laurent Vronski
Laurent Vronski, invité de Maxime Lledo dans "Le Grand Matin Sud Radio".

Au micro de Sud Radio, Laurent Vronski critique vivement ce qu’il perçoit comme une surenchère fiscale punitive depuis la dissolution, qui pousse les chefs d’entreprise à freiner leurs investissements par crainte d’un environnement instable. Cette incertitude explique, selon lui, "l'engourdissement économique" actuel. Face aux États-Unis et à la Chine, il estime que la France doit faire preuve de beaucoup plus d’agilité pour affronter une guerre commerciale et un risque de tsunami industriel, et non s’imposer de nouvelles contraintes. Enfin, il reproche aux responsables politiques un manque de pragmatisme, trop de dogme et de théorie, et une déconnexion de la réalité économique, qu’il juge responsable des difficultés actuelles.

Laurent Vronski : "On a besoin de plus d'agilité"

Maxime Lledo : Emmanuel Macron a donc promulgué la loi spéciale. Êtes-vous soulagé ?

Laurent Vronski : On attend surtout la saison 2, parce que le budget par loi spéciale, en clair, c'est un budget par intérim. Mais surtout, ce que nous attendons, c'est d'avoir de la visibilité avec un budget qui stimule l'économie et qui ne décourage pas les acteurs économiques.

Maxime Lledo : Cependant, on ne peut pas dire que ce soit un budget qui relance l'économie…

Laurent Vronski : Je ne vais pas dire que je crois au Père Noël, mais j'espère qu'il va sans doute y avoir plus de bon sens que par le passé. Depuis la dissolution, c'est le concours Lépine de la fiscalité la plus punitive et la plus décourageante. C'est ce qui explique aujourd'hui que vous avez beaucoup de chefs d'entreprise qui ont des possibilités avec des entreprises qui ont des débouchés. Mais comme ils ne savent pas ce qui peut se passer, notamment au niveau fiscal, pour l'instant ils mettent le pied sur le frein. C'est pour ça que le pays est dans une espèce d'engourdissement économique.

Maxime Lledo : Notamment en ce qui concerne la riposte face aux États-Unis et à la Chine ?

Laurent Vronski : Je ne sais pas dire si on va arriver à un budget qui va nous aider à combattre notamment ce qui se passe outre-Atlantique. La France ne vit pas sur une planète séparée des autres. On est confrontés à une guerre commerciale sans précédent de la part, rien que ça, de la première puissance mondiale que sont les États-Unis. Nous sommes confrontés à une menace de tsunami industriel comme jamais avec la Chine, qui cherche des débouchés et qui se tourne vers l'Europe. Donc, on ne peut pas dire que ce sont des petits défis. Donc, on a besoin de plus d'agilité. Et la dernière chose dont on a besoin, c'est qu'on nous mette sur les épaules un sac à dos avec des pierres à l'intérieur.

Maxime Lledo : Ne pensez-vous pas que nos députés et sénateurs n'aient aucune connaissance profonde de l'économie ?

Laurent Vronski : Je pense que, contrairement à ce qu'on pense, c'est pas une question de connaissance, c'est plutôt une question de pratique et de concrétude. Vous avez des gens qui sont très forts pour le dogme, très forts pour la théorie, mais alors la pratique… c'est un concept qui est complètement abstrait ! C'est bien d'avoir de grands idéaux et de grandes idées. Mais si ces idéaux et ces grandes idées sont complètement déconnectés de la vie réelle et du pragmatisme, ça aboutit à des catastrophes. Et c'est précisément ce à quoi nous assistons maintenant depuis plusieurs mois.

"Avant, les banques refusaient de prêter de l'argent au secteur de la défense"

Maxime Lledo : A-t-on encore aujourd'hui une classe politique qui aime l'usine, qui aime les ouvriers, qui aime l'industrie française ?

Laurent Vronski : Je suis ravi que vous me posiez la question. Je viens de traverser 30 ans de d'oubli industriel, comme tous mes camarades industriels. C'est-à-dire que la France a redécouvert les vertus de l'industrie globalement pendant le Covid, quand on s'est aperçus que la sixième puissance économique mondiale était incapable de fabriquer les produits de très haute technologie que sont le gel et les masques.

Ensuite, il y a eu aussi le retour vers le nucléaire. Je rappelle que les mêmes esprits éclairés qui nous avaient expliqué qu'on pouvait avoir un pays sans industrie. Sur la mappemonde, on allait avoir les pays qui allaient réfléchir au futur de la galaxie, c'est-à-dire nous. Et puis les pays asiatiques, qui allaient fabriquer pour nous. Sauf qu'on a complètement oblitéré les notions de souveraineté. Quand vous avez un pays qui détient la plus grande capacité de traitement des terres rares, qui sont des composants essentiels pour l'électrique, on peut s'en servir pour faire du chantage géopolitique. Donc on a découvert tout ça. On a découvert que c'est bien d'avoir des véhicules électriques, des vélos électriques, mais qu'il faut encore trouver l'électricité, et qu'on ne peut pas simplement se baser sur les éoliennes. Donc, on avait dit : "exit le nucléaire, retour du nucléaire !".

Et puis on s'est rendu compte que le risque de défense était un vrai risque. Je rappelle qu'il n'y a encore pas si longtemps, vous aviez des banques qui refusaient de prêter de l'argent à des entreprises qui travaillaient dans la défense, parce qu'on considérait que c'était pas éthique. Et là, tout d'un coup, exit ! On vécu depuis cinq ans un revirement de situation.

Donc, par rapport à l'industrie, je pense que tout le monde est d'accord pour qu'on ait de l'industrie, mais on veut que ça soit dans le champ du voisin. Bon, les choses ont beaucoup changé : aujourd'hui on fait des choses qui sont mieux intégrées, beaucoup plus propres. Et puis, nos compatriotes aiment l'industrie, ils ont compris qu'un pays sans industrie est un pays qui est sans avenir. La Chine se destine à fournir plus de la moitié des produits qui vont être produits dans le monde. Donc eux, ils ont compris qu'un pays qui n'est pas une puissance industrielle n'est pas une puissance tout court !

Retrouvez "La vérité en face" avec Maxime Lledo dans "Le Grand Matin Sud Radio".

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