La question peut sembler simple : historiquement, la France a été façonnée par le christianisme. Mais aujourd’hui, entre sécularisation, identité culturelle et phénomènes de rejet ou de violence, cette affirmation mérite d’être nuancée.
Une présence chrétienne toujours majeure… mais en profonde transformation
Sur le plan statistique, le christianisme reste la première identification religieuse en France, surtout sous la forme du catholicisme. Selon des enquêtes récentes, entre 47 % et environ 60-65 % de la population déclarent s’identifier comme chrétiens (principalement catholiques). "La place du christianisme est quand même première, puisque c'est la première religion pratiquée par les Français, avec l'islam qui arrive en deuxième position. Avec des fonctionnements un petit peu différents, c'est sûr. On est sur un christianisme qui a tendance à, je dirais, s'arrondir, du point de vue de sa pratique et du point de vue de son sentiment d'identification avec la nation. L'islam est une religion plus jeune sur notre territoire, et il est dans une autre dynamique. Mais effectivement, on a ce phénomène de multiplication de cultes sur notre territoire. On est effectivement dans une situation un petit peu nouvelle de ce point de vue. On voit d'ailleurs un certain nombre de mouvements qui cherchent à se réaffirmer vis-à-vis de leurs croyances, pour lui donner un nouveau sens, en prenant mieux en compte l'évolution de la société", explique Guylain Chevrier, docteur en histoire et ancien membre de la mission Laïcité du Haut conseil à l'intégration, au micro de Sud Radio.
Une injonction de laïcité qui va à l'encontre de notre histoire
Au sujet de la laïcité, Guylain Chevrier explique que la loi de 1905 était censée lutter contre le cléricalisme et non pas contre les religions en tant que telles. "La loi de séparation des églises et de l'État est l'aboutissement d'un long processus de laïcisation de la société, dont l'État devait tenir compte pour tout simplement jouer son rôle vis-à-vis d'une société qui était devenue plus une société de citoyens qu'une société de croyants. Mais cette loi ne s'est pas édifiée contre la religion. Elle s'est édifiée contre le cléricalisme, c'est-à-dire la volonté de certains croyants de vouloir imposer aux politiques un dogme religieux", a-t-il expliqué au micro de Sud Radio.
Selon Guylain Chevrier, "il faut que la France se réconcilie avec son histoire". "Historiquement, avec la République, la France se construit contre sa propre histoire. On a cette espèce de conflit interne d'identité. Si vous demandez à des gens à l'étranger si la France est chrétienne, ils vont vous répondre 'évidemment'. Il n'y a que les Français pour se poser cette question. Donc, je pense qu'il faut vraiment être Français pour se demander si la France est chrétienne. La France est construite sur le christianisme, c'est toute notre culture, nos valeurs, nos mœurs. Et puis on a cette espèce de schizophrénie qui fait qu'on est en conflit avec notre propre identité. Et c'est là que se trouve la source de nos difficultés, je pense. J'attends donc une forme de réconciliation de la France avec sa propre histoire, avec sa propre identité."
La christianophobie est le fait à la fois de la "libre pensée" d'extrême-gauche et des islamistes radicalisés
En même temps, il y a une haine du christianisme en France, et plus largement en Europe. Vandalisme (tags, croix renversées, statues endommagées), incendies criminels (églises incendiées ou tentatives d’incendie), profanations (autels souillés, objets sacrés vandalisés), vols d’objets religieux (pillages de croix), menaces et intimidations (lettre de menaces, perturbations de messes), violences physiques et homicides… en tout, 2.211 actes de haine antichrétienne ont été recensés en 2024 dans 35 pays d’Europe (dont 274 agressions physiques), peut-on lire dans le rapport “Christianophobie et haine antichrétienne en Europe” du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ).
Comme l'explique Grégor Puppinck, le directeur de ce centre, au micro de Sud Radio, "cette christianophobie est le résultat de tout un ensemble de phénomènes. Certains sont déjà anciens, et d'autres sont sont beaucoup plus récents. Il y a trois facteurs principaux dans cette croissance d'hostilité et de violence envers le christianisme. Un facteur ancien est celui du mouvement de 'libre pensée' qui se sont inspirés par une hostilité philosophique au christianisme. Ce sont eux qui font des procès lorsqu'il y a des crèches qui sont installées ou qui veulent supprimer les calvaires. S'ajoute à cela la violence de l'extrême-gauche, en particulier les antifas qui vont être violents contre le christianisme. C'est une forme de lutte contre Dieu, une forme d'anarchisme. Et puis aussi la morale chrétienne, qu'ils rejettent. Et le troisième facteur aujourd'hui, c'est la présence de personnes radicalisées islamistes. C'est vraiment nouveau en France de voir des personnes qui entrent dans les églises, qui détruisent des statues par haine christianisme".
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