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Charles Malinas : "Je ne pense pas que la Russie tire grand-chose de sa présence en Centrafrique"

Charles Malinas, ancien ambassadeur de France en Centrafrique, et Laurent Bigot, ancien diplomate au Quai d’Orsay, étaient les invités de "Philippe David dans tous ses états".

Charles Malinas et Laurent Bigot
Charles Malinas et Laurent Bigot, invités de Philippe David dans "Philippe David dans tous ses états” sur Sud Radio.

L’année 2022, a-t-elle été l’annus horribilis pour la France en Afrique ? Réponse avec Charles Malinas, qui est par ailleurs auteur du livre Un intermède centrafricain, la France en Centrafrique 2013-2016 (Éditions l’Harmattan).

 

Charles Malinas : "Ce sentiment d’abandon de la part de la France arrive à un moment où d’autres placent leurs pions"

"Je ne crois pas que ce soit particulièrement 2022. L’annus horribilis a commencé il y a quelques années. Et pour moi, qui ai connu plus particulièrement la Centrafrique, elle commence avec le retrait de la force Sangaris à partir de 2016. Nous avons pris un engagement en 2013 à la demande des Centrafricains et du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Et avec cet engagement, nous avions d’excellents résultats, y compris la réalisation d’élections dans des conditions inespérées. Et mes amis centrafricains, avec qui je reste en contact, me disent qu’ils ont un sentiment d’abandon de la part de la France. Et ce sentiment d’abandon arrive à un moment où d’autres placent leurs pions, de manière tout à fait stratégique et avec une vision. Et nous, nous semblons ne pas avoir de vision, nous semblons aller au fil de l’eau, prenons des décisions au jour le jour."

 


Laurent Bigot note pour sa part le désamour qu’éprouvent les Centrafricains vis-à-vis du discours officiel français. "C’est le résultat d’un processus enclenché depuis longtemps. Je pense que ce qui pose problème aujourd’hui, c’est que dans les pays africains, 70% ont moins de 35 ans, il y a donc un écart démographique avec la France. Et cet écart démographique crée un effet de ciseau. Les sociétés africaines sont très connectées, elles ont accès à une multitude de sources d’information, et on ne peut plus cibler les messages pour l’opinion publique française, puis pour l’opinion publique africaine. Quand on s’adresse à l’une, on a des effets médiatiques sur l’autre et vice versa. Je pense que nos dirigeants politiques ne l’ont pas compris, et ça ajoute au sentiment de désamour. Aujourd’hui, les sociétés africaines sont parfaitement informées (ou désinformées aussi, parfois) et sont capables de comparer le discours officiel français avec la réalité."

"Laisser une petite force Sangaris sur le terrain, en appui des Nations-Unies, c’est ça qu’attendaient les Centrafricains"

De quelle image a joui l’opération Barkhane ? "Il y a une chose qu’on n’a pas intégrée, c’est que l’opération Barkhane a duré trop longtemps. Au bout d’un certain temps, la présence de forces armées étrangères, quelles qu’elles soient, devient illégitime, quelles que soient les réalisations concrètes ou les motivations opérationnelles de cette présence. N’oublions pas que quand de Gaulle a chassé les Américains de France, la France a célébré ce départ, alors qu’ils nous avaient libérés. On n’apprend pas de l’histoire. L’image de Barkhane a été dégradée du fait que cette opération a duré trop longtemps", a répondu Laurent Bigot.

 


Et la milice russe Wagner ? "L’image de Wagner, c’est l'image de gens qui arrivent, tirent dans le tas, occasionnent des morts en très grand nombre dès lors qu’ils sont mis en difficulté. Et je ne pense pas que la Russie, qui aujourd’hui travaille sur son image de manière remarquable, en tire grand-chose. Sur la question de rester ou de ne pas rester, ce n’est pas une décision de principe. Pourquoi fallait-il laisser une force très réduite mais réelle de Sangaris, une force de réaction rapide ? Parce que la mission des Nations-Unies, qui ont déployé 15.000 hommes sur le terrain, coûte une fortune et des vies (plus d’une quarantaine de soldats des Nations-Unies sont morts en Centrafrique). Mais cette force, elle n’a ‘force’ que de nom. Elle n’intervient pas. Les soldats restent dans leurs campements parce qu’ils ne sont pas là pour faire la guerre. Or, quand ils ont affaire à des gens qui veulent faire la guerre, alors que vous, vous ne voulez pas la faire, vous allez sûrement perdre. Par conséquent, il me semble que laisser une petite force Sangaris sur le terrain, en appui des Nations-Unies, c’est ça qu’attendaient les Centrafricains, c’est ça qu’attendait le Président centrafricain, avec qui j’en ai parlé au moment de son élection. Et il en a parlé au président Hollande. Et le président Hollande, en mai 2016, lui a dit : on va continuer à vous aider. Pour ensuite dire le contraire…",  a déclaré Charles Malinas.


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Retrouvez “Le face à face” de Philippe David chaque jour à 12h30 dans "Bercoff dans tous ses états" Sud Radio.

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