« Salut à toutes et tous ! Vous, les marins pro, vous êtes quand même de sacrés malades ! raconte Joel Paris, co-skipper de "Rêve à Perte de Vue" engagé dans la Transat Café L'Or (actuellement 35e au classement de la catégorie Class 40). Je vous explique : cela fait désormais 20 heures qu’on se trimballe à 10 noeuds par vent de travers. Concrètement, c'est comme si on roulait à 100 km/h sur un chemin de campagne. Le tout penché à 45 degrés… Sur un chemin de campagne, vous pouvez vous arrêter alors qu'ici, non ! Et cela devrait durer encore 48 h... La situation a quelques avantages, vous me direz : on est mieux allongés ! Alors nous, comme on a poussé le confort à son point extrême, nous avons des grands poufs eux-même calés entre des sacs à voile forcément humides voire davantage. »
Pas pratique pour les besoins naturels...
« Ensuite, imaginez qu’il vous vienne vos besoins naturels, comme on dit pudiquement... Bah vous prenez votre seau - le nôtre a une lunette - et vous cherchez l’endroit pour vous caler sans vous faire éjecter… Et encore, moi, je ne suis qu’en Class 40 ancienne génération qui vont moins vites et qui tapent moins. Je n’ose imaginer la vie en Imoca... »
« Seul compte le présent »
« Qu’on soit clair, je ne me plains pas du tout. La phrase du commandeur Éric Tabarly « Naviguez… Choix de ses contraintes…. Privilège » écrite au-dessus de ma tête, est là pour veiller aux quelques pleurnicheries ou autres patos dégoulinants. Et puis, cette emprise du réel où tous nos gestes du quotidien revêtent une importance dingue. Seul compte le présent. »
« Le moral évolue avec la vitesse »
« En tout cas, nous voilà à 800 km dans l'ouest des Canaries. Depuis un jour et demi, on avance bien, on est content. En fait, le moral évolue avec la vitesse. Ca fait plaisir. L'autre plaisir, c'est ce rituel qu'on a tous les jours avec Goulven. Avant notre départ, notre famille a caché une boîte dans laquelle il y a des bonbons, des petits mots des copains, de la famille, de ceux qu'on aime. Et donc tous les jours, on a le droit à un bonbon chacun. Et moi, j'ai des petits mots que j'adore, ça fait chaud au cœur. Je pense qu'on aura assez de bonbons jusqu'à la fin. Par contre, des petits mots, il ne m'en reste que neuf. Donc petit présage pour le nombre de jours ? Ça serait très optimiste, on ne sait jamais. Blague à part, si on arrive vers le 22-23, on serait très contents ! Allez, bisous à tous. »