L’enquête sur la disparition de Delphine Jubillar n’est pas exempte de critiques : de nombreux éléments n’ont pas été vérifiés. Hier, avec une pointe d’ironie, Emmanuelle Franck, l’avocate de Cédric Jubillar, a rappelé que les gendarmes n’avaient pas examiné une voiture suspecte. La confusion règne autour du modèle. S’agissait-il d’une 205 ou d’une 308 ? La couleur était-elle bleue ou noire ? Cette description approximative illustre le manque d’attention des enquêteurs sur certains points.
La géolocalisation du téléphone mal exploitée
En 2020, après la disparition de Delphine Jubillar, les enquêteurs ont relevé un point de géolocalisation suspect sur le téléphone de Cédric Jubillar. À 3h21 du matin, l’appareil a semblé « borner » au bout d’une exploitation agricole, à 25 km du domicile familial, en lisière d’une petite forêt. Les gendarmes ont ensuite écarté ce signal, qu’ils ont attribué à un bug technique. Cédric Jubillar affirmait avoir éteint son téléphone car la batterie était « à plat », alors qu’elle affichait encore 40 %.
Au printemps dernier, l’avocate des parties civiles, Me Pauline Rongier, a demandé une expertise élargie du téléphone. « Ce point de géolocalisation réapparaît 17 fois entre le 14 novembre et le 16 décembre 2020, dont cinq fois dans le mois précédant la disparition. Cet élément pourrait suggérer une préméditation si l’on retrouvait le corps de Delphine Jubillar sur ce site ». Explications de Stéphane Simon dans son interview ce matin chez André Bercoff.
Me Rongier a réclamé une inspection du site. Mais en juin, trois mois avant le procès, les juges ont jugé la demande trop tardive. Reste l’espoir que l’audition des experts incite les juges à organiser cette vérification. Même en l’absence de découverte, une telle démarche pourrait éclairer le dossier — que ce soit en faveur de l’innocence de Cédric Jubillar ou pour confirmer une piste capitale et permettre à la famille de Delphine de faire son deuil.
La révélation de l’amant : un élément déclencheur ?
Le jour de sa disparition, Delphine reçoit un SMS de Cathy, la compagne de Jean, son amant : « J’ai compris et je m’efface. Je vous demande simplement une chose, Delphine : laissez-nous passer les fêtes de Noël tranquillement, ensemble. »
Delphine répond avec soulagement qu’elle aussi passera des fêtes sereines, laissant entendre que chacun respectera les convenances familiales. "Mais ce qui est probable, c'est que Delphine puisse annoncer (dans la foulée de ce message) à Cédric que cette fois-ci, elle le quitte." Elle qui d'ailleurs, lui avait déjà exprimé son exaspération : « Je vais me barrer, j’en peux plus de cette maison de bidochons. »
Le même jour, elle se rend à sa banque pour modifier les codes de sa carte bancaire, utilisée par Cédric pour jouer en ligne ou acheter du cannabis. Les proches estimaient qu’il consommait une dizaine de joints par jour, avec des pics allant jusqu’à 25. Un profil instable, mais qui ne suffit pas à le rendre coupable.
Une boussole pour cacher la dépouille de Delphine ?
Dans son livre Stéphane Simon explique pourquoi ce point de géolocalisation est réapparu :
« Si Cédric avait éteint son téléphone principal, il aurait pu utiliser un second appareil avec l’application Boussole pour retrouver l’endroit où il aurait éventuellement caché Delphine. En réutilisant son téléphone principal, les deux appareils se resynchronisent, laissant apparaître ce signal particulier. »
Cédric Jubillar peut-il être condamné sans preuve directe ?
L’absence de corps ne constitue pas un obstacle à une condamnation. L’histoire judiciaire française le démontre, notamment dans l’affaire Agnès Leroux ou celle de Simone Weber.
Dans le dossier Jubillar, aucune preuve irréfutable n’existe, mais les enquêteurs estiment que de nombreux indices concordants pointent vers Cédric :
- Les lunettes de Delphine, retrouvées cassées dans le salon, indiquent un choc violent équivalant à 18 kg de pression.
- Une couette, que Cédric a voulu laver en pleine nuit avant l’arrivée des gendarmes, intrigue également.
- Selon le témoignage d’une de ses amantes, il aurait confié que Delphine, en se débattant lors de son étranglement, aurait uriné dessus.
S’ajoutent des confidences rapportées par plusieurs proches. Sa mère affirme qu’il lui aurait dit dès novembre 2020 : « Si elle me quitte, je la ferai disparaître et je sais où l’enterrer pour qu’on ne la retrouve pas. » Deux amantes décrivent également des propos troublants. L’une d’elles, Jennifer, affirme qu’il lui aurait avoué avoir étranglé Delphine avec une clé de coude
Un destin entre les mains des jurés
Cédric Jubillar reste présumé innocent. Le procès, qui s’annonce long de quatre semaines, permettra à chacun de se forger sa propre conviction. Le tribunal entendra les témoins, dont celle qui s’occupe du petit garçon ayant tout vu la nuit du drame, et présentera l’ensemble des éléments du dossier.
Si aucune preuve irréfutable n’existe, le dossier n’est pas vide : les enquêteurs présenteront de nombreux indices graves et concordants. C’est ce mécanisme qui fait la spécificité des assises. Chaque juré décide en toute conscience, à partir des preuves et témoignages, et peut évaluer la peine, adaptée à la hausse ou à la baisse selon l’appréciation collective des jurés et des magistrats professionnels.