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Quand la polémique du "Blackface" s'invite au carnaval de Dunkerque

Par Mathieu D'Hondt

Des associations luttant contre les discriminations dénoncent la tenue d'un spectacle jugé raciste et organisé au sein même du carnaval de Dunkerque. 

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Quelques jours après le tollé provoqué par le cliché maladroit d'Antoine Griezmann grimé en basketteur noir, la polémique du "Blackface" refait surface et s'invite au carnaval de Dunkerque. Le célèbre événement annuel, auquel sont très attachés les locaux, se retrouve ainsi dans le collimateur des associations antiracistes, lesquelles dénoncent la tenue de "La nuit des noirs", une institution du carnaval qui fêtera ses 50 ans le 10 mars prochain.

"Un héritage colonial et un humour noir raciste"

Fondé il y a un demi siècle par un groupe d'amis, ce spectacle met en scène des personnes au visage peints en noir et arborant des colliers d'os. Un accoutrement farouchement dénoncé par la "Brigade anti-négrophobie". Ce collectif - qui, comme son nom l'indique, lutte contre les discriminations envers les populations noires - s'est en effet offusqué sur Facebook du déguisement des carnavaliers, considérant celui-ci comme un "héritage colonial qui, même s'il n'avoue pas son nom, traduit (in)consciemment un humour noir raciste" et "une négrophobie structurelle largement banalisée par les institutions de l'État". L'association demande explicitement "que la tenue de cet événement soit purgée de toute forme de négrophobie faciale", tout en assurant que son "objectif n'est pas d'interdire de faire la fête et donc de rire". 

"Être noir n'est pas un carnaval, on ne peut pas accepter le «blackface» qui est une pratique raciste"

Le Conseil représentatif des associations noires (Cran) ne dit pas autre chose et dénonce avec fermeté l'organisation de cet événement, réclamant des changements. Joint par téléphone, son président Louis-Georges Tin fustige ainsi le spectacle et notamment l'image qu'il véhicule. "Être noir n'est pas un carnaval. Quand je vois l'affiche, je vois quelque chose qui renvoie directement à l'imaginaire colonialiste, on voit des noirs qui sont en fait des sauvages", s'offusque l'intéressé, lequel "demande aux gens qui organisent cette manifestation de la transformer". "On ne peut pas accepter le «blackface» qui est une pratique raciste, nous en avons vraiment assez", conclu-t-il sans ménagement.

Le son de cloche est bien évidemment différent du côté des carnavaliers qui, eux, ne comprennent pas que cette "Nuit des noirs" puisse susciter autant de polémique. Roger, un habitué du carnaval depuis 25 ans, nous confie ainsi son incompréhension et dénonce une réaction disproportionnée. "C'est ridicule ! Ce n'est certainement pas dans l'esprit du carnaval de Dunkerque d'être raciste", affirme-t-il, rappelant qu'il y a "toujours eu le groupe des noirs" et qu'il s'agit de "l'un des plus beaux bals" de l'événement. "Je ne comprends pas parce que ça (la polémique) n'a pas lieu d'être, ç'a toujours été dans les traditions dunkerquoises. Considérez ça comme raciste, c'est casser une fête qui existe depuis plusieurs années", conclut-il.

Une vieille tradition festive qui n'a rien de raciste ? Pas sûr qu'une telle excuse suffise aux associations. Sommée par ces dernières d'agir en conséquence, la mairie de Dunkerque n'a pour l'instant pas prévu de modifier ou supprimer le spectacle. Le maire s'est par ailleurs dit "scandalisé" par l'ampleur de ce qu'il considère être des "faux débats". Affaire à suivre.

Propos recueillis par Lucie Coquart.

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