Les Français sont-ils toujours attachés à la liberté ? La liberté vit-elle ses dernières heures dans notre société ? C'est "un mot qui sort très peu dans la bouche des politiques", remarque Michel Erman qui entend davantage les mots "censure, illibéralisme" dans les discours aujourd'hui. "C'est pourtant l'un des plus beaux mots de la devise républicaine", estime-t-il.
La liberté, synonyme d'autonomie
Pour le professeur, l'absence de liberté résulte "d'un malaise dans la transmission de la culture qui est la nôtre". Et pourtant, "on a l'impression de disposer de toutes les libertés". "La liberté telle que nous la connaissons, c'est la notion d'autonomie", explique-t-il, une autonomie "politiquement protégée par des institutions, des lois, c'est la grande leçon de la Révolution française, les lois vont protéger l'autonomie, la raison et la liberté de l'individu".
Et malheureusement, l'enseignement de la liberté est en perte de vitesse. "Dans le domaine de la philosophie et des lettres, il y a un professeur pas très heureux aujourd'hui", confesse Michel Erman. "Depuis une vingtaine d'années, le quantum de connaissance a beaucoup diminué", témoigne-t-il. Pour lui, "il y a quelque chose que l'on enseigne plus ou marginalement, c'est quelque chose qui a fait partie de notre culture que l'on considère comme secondaire".
De la peur à l'intolérance
"Je pense qu'on est plus dans une époque de servitude volontaire que de liberté", estime Michel Erman. Plusieurs raisons expliquent cela. "Nous sommes dans une société de peur et d'angoisse depuis septembre 2001. On est passé du monde de Kant (des lumières) au monde de la peur", remarque-t-il. Une explication d'un "repli sur le conformisme" d'après l'auteur qui voit également "une angoisse économique due à la mondialisation". Mais pour le professeur, il y a aussi une autre explication, plus historique, "on est à la fin d'un cycle, le cycle de la liberté s'achève sans doute parce qu'il a une sorte de fatigue", distingue-t-il.
Sur le risque d'une tyrannie des minorités, Michel Erman estime que "l'on vit une époque de difficulté dans la relation à autrui". "Il y a une sorte de condition humaine qui fait que l'on existe en partie dans le regard des autres qui peut être trop prégnant", déplore-t-il. Et la solution dans tout cela ? La philosophie. "Toute l'histoire de la philosophie veut dire qu'il faut s’accommoder du regard des autres", explique le professeur qui remarque qu'aujourd'hui "on est dans une période totalement intolérante où l'on considère que mon droit à moi, de petit individu narcissisé" a pris le dessus. "On valorise son moi idéal et pas l'idéal du moi. Il y a une sorte de mécanique qui moralise les émotions", remarque-t-il. Une idée qui trouve son origine dans les universités du monde anglo-saxon où "les communautés sont des étiquettes qui s'opposent, comme des marques".
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