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Le regard libre d'Élisabeth Lévy - "Les chevaux mutilés, c'est peut-être le seul sujet qui réconcilie tous les Français"

La multiplication des mutilations commises récemment sur des chevaux est horrible, inhumaine et abjecte. Mais alors que nous nous écharpons et divisons à longueur de temps sur tous les sujets possibles et inimaginables, notre émotion sur cette situation prend une direction commune, et ce pour tous les Français. Au-delà d'une prise de conscience de la souffrance animale, cela ne dirait-il pas quelque chose de plus profond sur la difficulté des Hommes à vivre les uns avec les autres ?

Vous voulez revenir sur les chevaux mutilés. 

 

Cette terrible affaire qui fait régner une atmosphère de far west dans nos campagnes est peut-être le seul sujet qui réconcilie tous les Français. Là, pas de controverse sémantique, ni de délicatesses humanistes. Un seul qualificatif : barbarie, tweete un avocat. Quant aux coupables, on les menace des pires châtiments.  « Les tarés qui mutilent les chevaux méritent d’être soignés aux électrochocs ou au calibre 12 », écrit l’un, tandis que l’autre espère que ce ne sera pas la police qui arrêtera ces enf... Il ne se trouvera nulle grande âme pour invoquer leur enfance malheureuse, nulle Virginie Despentes pour leur dire son amour comme elle l’a fait avec les frères Kouachi. 

 

Cette unanimité vous choque ? 

Pas du tout. Mais elle contraste avec nos chamailleries habituelles. Dans la société des hommes, chacun choisit ses victimes ou ses causes. Des féministes refusent de s’émouvoir du sort des hommes battus ou tués par leurs conjointes. Des jeunes biberonnés à l’islam radical ne veulent pas condamner les assassins de Charlie. Les cyclistes se fichent du calvaire des automobilistes.  Des végans applaudissent les attaques de boucherie.  Mais les tortures infligées à des animaux suscitent en chacun de nous le même effroi, la même incompréhension radicale.  

Comment l’expliquez-vous ?

Je peux vous donner des pistes. Peut-être l’exemple parfait de la cruauté gratuite. Les terroristes ont des raisons, démentes mais ils ont des raisons. Là il n’y a peut-être aucun autre mobile que volonté d’accéder à une forme de célébrité.  Ou peut-être même qu’il n’y en a pas du tout et que nous avons affaire à des crimes sans pourquoi. 

Notre émotion montre aussi la montée en puissance de l’animal dans nos sociétés. La prise de conscience de la souffrance animale et, en même temps, de la responsabilité humaine vis-à-vis de ces prochains sans défense. Et parmi les animaux, le cheval a un statut particulier en raison de son étroite et longue collaboration avec l’homme. 

Pour conclure, l’animal c’est l’état de nature quand nous vivons, pour le meilleur et souvent pour le pire, dans l’état de culture. L’animal n’a pas d’appartenance, pas de préférences idéologiques ou sexuelles. Il n’a pas de revanche à prendre, il n'a pas de mémoire blessée. Alors, pardon de faire de la psychanalyse collective de comptoir, mais l’empathie profonde que nous inspire le calvaire de ces chevaux témoigne peut-être de notre difficulté croissante à vivre dans la compagnie des hommes. 

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