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Vous avez été frappée par une campagne de publicité de la CAF ?
Pour beaucoup de Français, la CAF est la seule institution qu’ils côtoient, le dernier service public présent quand les écoles et les commerces sont partis. Est aussi le théâtre de multiples conflits et tensions, entre agents et usagers, mais aussi entre usagers. Conséquence, la CAF se rebiffe. Diffuse une série de spots pour appeler les usagers à un comportement normal. "Le personnel de votre CAF vous écoute et vous accompagne. Comme vous, il a le droit au respect. Ceci est une campagne des allocations familiales. »
La situation est-elle si grave ?
La Caf recense environ 7000 incivilités par an. Insultes, agressions verbales représentent la moitié. Mais il y a aussi des menaces, je vais te tuer ou t’attendre à la sortie, des agressions physiques. Dans Le Figaro, récit d’un incident. Un vigile qui distribue des tickets ne veut pas laisser passer une femme enceinte : le mari lui casse la figure, les autres en profitent pour entrer. Scène révélatrice d’un ensauvagement des relations sociales qui va bien au-delà de la CAF. Ainsi, on apprend que le nombre de candidats aux concours de l’EN, agrégation et CAPES ne cesse de baisser et le niveau avec lui.
Quel rapport ?
Comme les agents de la CAF, professeurs ne se sentent plus respectés, au premier chef par ceux qu’ils servent, les élèves. Agressions de plus en plus fréquentes. Dans certains établissements, professeur est un métier disciplinaire. On nous explique pourtant, statistiques à l’appui, que la société de plus en plus sûre. Mais la violence gratuite observée par le Dr Maurice Berger, reçu par Valérie Expert le 8 janvier, échappe aux statistiques. Quand quelqu’un vous insulte parce que vous lui avez demandé de bouger sa voiture, cela n’apparaît pas dans les courbes. Mais ça révèle un climat.
Comment s’explique ce climat ?
La plupart des sociologues vous répondront que ce sont la discrimination et l’exploitation qui poussent des pauvres à s’en prendre à d’autres pauvres. Sauf que des pauvres, il y en avait aussi il y a 40 ans. Ils ne jetaient pas des pavés contre les policiers et n’agressaient pas les agents de la CAF. Berger parle de l’échec de l’intégration. D'un choc entre les cultures d’origine, autoritaires, et la culture d’accueil, permissive.
Plus largement, l’autorité est suspecte. Nous créons des légions d’enfants-rois. Nous répugnons à punir. Et même à nommer. Le jugement est prié de s’incliner devant le sentiment. Et nous ne voyons plus que des victimes.