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Des propos du président Macron sur la guerre d’Algérie et la Shoah ont fait scandale. Tenus jeudi soir dans l’avion qui le ramenait d’Israël. « Les sujets mémoriels sont au cœur de la vie des nations. Des défis mémoriels que j’ai devant moi la guerre d’Algérie est sans doute la plus dramatique. Il a à peu près le même statut que la Shoah pour Chirac en 1995. »
Ce rapprochement a fait bondir RN et LR. Retailleau y a vu une double offense. Pour les soldats français assimilés aux nazis et pour les victimes du nazisme.
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Rendons justice à la pensée complexe du président. Il n’a pas dit que Shoah et guerre d’Algérie c’était pareil. Ses propos n’en sont pas moins consternants. Et inquiétants. Macron parlait de poids mémoriel, ie de la façon dont les événements agissent sur la conscience collective. Et puisque selon lui, Chirac a réglé la question de la mémoire de la Shoah en 1995, il lui revient de faire la même chose pour la guerre d’Algérie. Comme s’il lui fallait son heure de gloire mémorielle.
Rappel : en 1995, anniversaire rafle du vel d’hiv, Chirac rompt avec la fiction gaulliste de la France à Londres. La France a commis l’irréparable. Chirac lui, a irrémédiablement ouvert la voie au défilé des revendications mémorielles. Chacun veut que la France fasse repentance pour ses crimes passés.
Ce n’est pas la faute de Macron
Mais il encourage dangereusement cette concurrence des victimes. Timing révélateur. Le matin Auschwitz, le soir guerre d’Algérie. Une cuillère pour les juifs, une cuillère pour les arabes. Comme si chaque communauté était propriétaire de l’histoire de ses ancêtres et avait un droit de regard sur la façon dont elle est intégrée au roman national. Ce faisant, le président favorise le communautarisme qu’il dit vouloir combattre et aggrave les fractures qu’il prétend soigner.
De quelle façon ?
Lui qui parle de la fierté d’être français, pense-t-il la cultiver en serinant à des jeunes nés à Sarcelles ou Romorantin qu’ils sont les victimes d’une entreprise barbare et que leur pays est raciste et criminel ? Les a-t-on aidés en fournissant un alibi à leurs échecs ? Il y a un an, dans les rues d’Alger, Macron envoyait un jeune sur les roses: «Vous n’avez pas connu la colonisation, qu’est-ce que vous venez m’embrouiller avec ça?» Au lieu de flatter la fibre victimaire de jeunes Français qui se la jouent colonisés, Emmanuel Macron serait avisé de leur apprendre que la guerre d’Algérie est finie.