Seize ans après le crash du vol Rio-Paris qui a tué 228 personnes, la compagnie Air France et le constructeur Airbus, relaxés en première instance et jugés en appel pour homicides involontaires, se sont défendus cette semaine de toute responsabilité pénale.
Le 1er juin 2009, l'Airbus, parti de Rio de Janeiro pour Paris (vol AF447), s'abîme en pleine nuit dans l'Atlantique, quelques heures après son décollage, entraînant la mort de ses 216 passagers et 12 membres d'équipage. A bord de l'A330 immatriculé F-GZCP se trouvent des passagers de 33 nationalités, parmi lesquels 72 Français et 58 Brésiliens.
À mi-chemin des deux mois de procès devant la cour d'appel de Paris pour cet accident aérien, passé à la postérité par la célèbre photo de la dérive tricolore de l'avion flottant au milieu de l'océan Atlantique, l'interrogatoire des représentants des deux sociétés mises en cause a occupé le gros de la semaine d'audience.
"Notre objectif, c'est zéro accident. Le moindre accident est un échec pour l'ensemble de notre communauté", admet Christophe Cail, le représentant d'Airbus au procès, appelé à la barre mercredi et jeudi.
La justice reproche au constructeur aéronautique européen d'avoir sous-estimé la gravité des défaillances des sondes anémométriques, dont le givrage en haute altitude est le point de départ de l'accident, et de n'avoir pas pris toutes les dispositions nécessaires pour en informer d'urgence les compagnies aériennes qui en étaient équipées.
"Dès qu'on perçoit un risque, on va tout faire pour le corriger. La précaution, c'est de communiquer aux compagnies aériennes. Le principe de précaution que nous prenons est de regarder ce qu'on doit faire à court, moyen et long terme", déclare le pilote d'essai.
Pour sa part, le transporteur Air France est poursuivi pour ne pas avoir mis en œuvre de formation de pilotes adaptée aux situations de givrage des sondes Pitot, qui mesurent à l'extérieur de l'avion la vitesse de l'appareil, ni procédé à une information suffisante des équipages.
- "Facteurs humains" -
"Nous avions les moyens de faire une formation en haute altitude mais si nous ne l'avons pas fait, c'est que nous pensions, en conscience, qu'elle n'était pas nécessaire au regard des informations qui étaient portées à notre connaissance", justifie à la barre Pascal Weil, qui a répondu au nom d'Air France aux questions mardi et mercredi.
Sous les dorures de la grande chambre solennelle de la cour d'appel, les échanges s'avèrent tendus entre les sociétés jugées et les avocats des plus de 250 parties civiles encore présentes en appel, contre près de 500 en première instance, tous conscients qu'approche l'épilogue de ce marathon judiciaire.
"On a le sentiment en vous entendant que le doute n'existe pas", s'agace face au représentant d'Airbus Me Alain Jakubowicz, avocat de nombreuses parties civiles. "On a eu l'impression de n'avoir eu que des éléments de langage, à quel moment il y a de la sincérité ? À quel moment on sort de la technique pour parler un peu d'humain ?".
En réponse, dans un rare moment de spontanéité dans ce procès aride, le représentant d'Airbus refait le film, décortiquant presque geste par geste, les comportements des pilotes lors des dernières minutes fatales de l'AF447.
"Les pilotes avaient la solution. Ils avaient la solution, ils l'ont dit tous les deux. Il faut redescendre, ils l'ont dit. S'ils étaient redescendus, ils seraient là aujourd'hui", regrette-t-il, estimant que "les facteurs humains ont été prédéterminants" dans la catastrophe.
À l'issue du procès en première instance, le tribunal correctionnel de Paris avait relaxé en 2023 sur le plan pénal Airbus et Air France tout en reconnaissant leur responsabilité civile.
Il a considéré que si des "imprudences" et "négligences" avaient été commises, "aucun lien de causalité certain" n'avait "pu être démontré" avec l'accident le plus meurtrier de l'histoire des compagnies françaises.
L'enjeu de ce procès en appel concerne avant tout la réputation d'Airbus et Air France, qui n'encourent que 225.000 euros d'amende en cas de déclaration de culpabilité.
L'audience est prévue jusqu'au 27 novembre.
Par Alexandre MARCHAND / Paris (AFP) / © 2025 AFP