Un moment charnière pour le Rassemblement National
C’est un moment qui fera date dans l’histoire parlementaire du Rassemblement National. Ce jeudi 30 octobre, dans le cadre de sa « niche parlementaire », le parti de Marine Le Pen est parvenu à faire adopter une proposition de résolution visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968. Le texte a été voté à 185 voix contre 184, au terme d’un scrutin aussi serré qu’inattendu.
Pour le RN, cette adoption marque un tournant : c’est la première fois qu’un texte issu de ses rangs est voté à l’Assemblée nationale depuis son entrée dans l'hémicycle en 1986. Une victoire symbolique, certes, car une résolution n’a pas de valeur contraignante, mais une victoire politique majeure. Marine Le Pen a immédiatement salué un « signal clair envoyé au gouvernement », promettant d’autres offensives sur le terrain législatif.
Un nouveau revers pour la majorité présidentielle
À noter que les applaudissements nourris des députés RN a contrasté avec la stupeur des bancs de la majorité et de la gauche, absente en partie lors du vote. L’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, n’était notamment pas présent dans l’hémicycle. Une absence qui n’a pas échappé aux critiques. « Ils étaient où les macronistes ? » s’est notamment indigné Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, sur X, soulignant la portée politique d’un tel revers pour la majorité présidentielle.
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— Sud Radio (@SudRadio) October 30, 2025
Pas d'effet juridique immédiat...
Derrière la portée symbolique du vote, la question des accords franco-algériens de 1968 reste hautement politique et diplomatique. Ces accords encadrent depuis plus d’un demi-siècle les conditions de circulation, de séjour et d’emploi des ressortissants algériens en France, leur conférant un statut dérogatoire par rapport au droit commun.
… Sauf si Macron dénonce l'accord bilatéral
La proposition de résolution adoptée par le RN n’a aucun effet juridique immédiat : elle ne modifie ni la loi ni le traité lui-même. D'après l’article 34-1 de la Constitution, une résolution permet simplement aux députés d’exprimer un avis politique, sans contraindre le gouvernement. Seul le président de la République peut, en théorie, dénoncer un accord bilatéral comme celui-ci.
« Affront », « provocation » : le torchon brûle (un peu plus) avec l’Algérie
Mais le signal politique envoyé est fort. En Algérie, la réaction ne s’est pas fait attendre : plusieurs médias du pays ont dénoncé un « affront » et une « provocation » de la part du Parlement français. Le ministère algérien des Affaires étrangères a exprimé sa « vive préoccupation », estimant que ce vote risquait d’« altérer le climat de confiance » entre les deux pays.
Côté français, l’exécutif tente d’éteindre l’incendie. L’Élysée a rappelé que la résolution n’engageait « aucune décision de l’État », tout en regrettant « les excès partisans » d’une telle initiative. Ce vote survient dans un contexte déjà tendu, marqué par plusieurs crispations diplomatiques récentes sur les questions migratoires et mémorielles, mais aussi exacerbé par l’affaire Boualem Sansal, écrivain franco-algérien incarcéré en Algérie après avoir contesté les frontières actuelles du pays avec le Maroc, et l’incarcération de Christophe Gleizes, journaliste français condamné à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme » après avoir été en contact avec un dirigeant d’un club de football.
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Un premier pas vers une union des droites ?
Si le texte du RN a pu passer, c’est aussi grâce au soutien inattendu de plusieurs députés issus des groupes Les Républicains et Horizons. Un alignement inédit qui pourrait bien annoncer un tournant stratégique majeur à droite en vue des élections à venir programmées et peut-être anticipées, en cas de dissolution de l'Assemblée Nationale.
Éric Ciotti et Laurent Wauquiez avaient déjà exprimé leur souhait de réviser les accords de 1968. En votant avec le RN, leurs députés ont matérialisé un rapprochement idéologique sur les questions migratoires et de souveraineté, que beaucoup voient comme un premier pas vers une recomposition politique.
Le vent en poupe pour le RN en 2027
« Ce vote montre qu’il existe une majorité possible pour une alternance patriote et conservatrice en 2027 », s’est félicitée Marine Le Pen, voyant dans ce scrutin une préfiguration d’une éventuelle union des droites.
Si certains au sein de la droite traditionnelle se défendent de tout « rapprochement structurel », d’autres y voient une dynamique électorale nouvelle. Dans la perspective de la présidentielle de 2027, ce vote pourrait ainsi marquer le début d’une convergence stratégique entre les droites souverainistes et libérales, autour d’un thème symbolique : la maîtrise de l’immigration et la défense de la souveraineté nationale.