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"Le handicap n’est pas une limite, c’est une autre manière de faire du sport"

Par Mathéo Lamblot

INTERVIEW SUD RADIO - Trois semaines après avoir terminé la SaintExpress, l’une des courses de la doyenne des épreuves de trail, la SaintéLyon, Caroline Fruchaud raconte son rôle d’ambassadrice du handicap dans le monde du sport.

Caroline Fruchaud, paraplégique, peut exulter à l'arrivée de la SaintExpress.
Caroline Fruchaud, paraplégique, peut exulter à l'arrivée de la SaintExpress.

Chaque amateur de trail sait que terminer une course relève du défi. Mais pas de quoi effrayer Caroline Fruchaud, paraplégique, et en fauteuil roulant depuis 7 ans après un grave accident de ski. Fin novembre, l’aventurière a décidé de se lancer dans le SaintExpress, une des épreuves de la mythique SaintéLyon. La chroniqueuse de l’émission Faut que ça change nous raconte son retour d’expérience sur cette course unique en son genre qui lui permet aujourd’hui de donner un message d’espoir aux personnes en situation de handicap : “Allez-y !”

Qu’est-ce qui t’a donné envie de participer à la SaintExpress en fauteuil roulant ?

L’envie est née d’un vrai goût pour le challenge. Avec mon équipe, on cherchait une course qui paraissait presque impossible, ou en tout cas très compliquée à réaliser en fauteuil roulant. La SaintéLyon est une course mythique, exigeante, et, surtout, elle n’avait encore jamais vu de personnes en fauteuil sur son tracé. C’était important pour nous de montrer que le handicap n’empêche pas de vivre des aventures hors normes. Participer à cette course, c’était aussi une façon de dire aux autres coureurs qu’on partage le même effort, la même fatigue et la même passion.

"Participer à cette course mythique pour montrer que le handicap n’empêche pas de vivre des aventures hors normes"

Comment s’organise la préparation quand on est en situation de handicap ?

La préparation ressemble finalement beaucoup à celle d’un athlète valide. Il faut rouler régulièrement, accumuler des kilomètres et faire du renforcement musculaire. La différence, c’est que tout est adapté à notre pathologie et que le travail repose essentiellement sur le haut du corps.

L’idéal, selon moi, serait de rouler toutes les semaines, avec un volume d’environ 30 kilomètres, mais pas forcément d’un seul coup. Le plus important, selon moi, c’est la régularité et la capacité à tenir dans la durée. À cela s’ajoute beaucoup de renforcement musculaire pour encaisser l’effort.

La SaintéLyon est réputée pour la difficulté de son terrain. Comment fait-on en fauteuil ?

Ce n’est clairement pas une course sur route. Il y a des chemins, de la boue, des racines, du dénivelé… Pour une personne en fauteuil, ça demande une adaptation très spécifique. On utilise un fauteuil de trail équipé de grosses roues crantées à l’arrière pour l’adhérence, et d’une roue avant plus grande et déportée qui permet à la fois la stabilité et le franchissement des obstacles. Sans ce type de matériel, ce genre de course serait tout simplement inaccessible.

"L’inclusion passe ici par l’effort partagé et la solidarité permanente"

Quel rôle joue l’équipe dans ce type d’aventure inclusive ?

L’équipe est absolument centrale. Sur cette édition, il y avait trois personnes en fauteuil, chacune accompagnée par quatre personnes valides. Ce sont des coureurs d’ultra-trail, capables de courir bien plus que la distance annoncée. Courir 80 km pour soi et courir en poussant ou en tirant un fauteuil, ce n’est pas la même chose. L’inclusion passe ici par l’effort partagé, la solidarité permanente et la capacité à s’adapter les uns aux autres.

La course ne s’est pas déroulée sans difficultés…

Malheureusement, non. Sur les trois équipes engagées, l’une d’entre elles n’a pas pu terminer à cause d’un problème mécanique sur le fauteuil. C’est extrêmement frustrant, parce que quand tu es en situation de handicap, un souci matériel peut anéantir des mois de préparation, indépendamment de ta condition physique.

De notre côté, on a eu quelques petits soucis techniques, mais on a pu aller au bout. Nous sommes arrivés après environ 8 heures d’effort, avec 1 100 mètres de dénivelé positif, soit bien plus que ce qui était annoncé.

En dehors des Jeux paralympiques, on voit très peu de handisport dans les médias. Je me suis donc dit : si tu n’es pas médiatisé, deviens ton propre média “

Au-delà de la performance, quel message voulais-tu faire passer ?

La représentation du handicap dans le sport est encore très limitée. En dehors des Jeux paralympiques, on voit très peu de handisport dans les médias. Je me suis donc dit : “si tu n’es pas médiatisé, deviens ton propre média”. Être au départ d’une course comme la SaintéLyon, c’est montrer que les personnes en situation de handicap peuvent aussi prendre part à des événements grand public, exigeants et emblématiques, et pas uniquement à des compétitions “adaptées”.

En quoi cette aventure change-t-elle le regard sur le handicap ?

Elle montre que le handicap n’est pas une limite, mais une autre manière de faire du sport. Le trail est un sport très individuel à la base, mais dans ce contexte, il devient profondément collectif. D’ailleurs, l’un de mes coéquipiers, pourtant habitué aux ultra-trails, a expliqué que c’était sa plus belle course de l’année, justement grâce à l’inclusion, la solidarité, la joie et l’humour qui ont accompagné toute l’aventure.

"La force du collectif permet de repousser des limites que l’on pensait infranchissables"

Quel message aimerais-tu adresser aux personnes en situation de handicap qui hésitent encore ?

Il ne faut pas hésiter à se lancer. Tout commence par le fait d’y croire. Si l’on se convainc dès le départ que c’est impossible, alors l’aventure s’arrête avant même d’avoir commencé. La force du collectif permet de repousser des limites que l’on pensait infranchissables. Et surtout, elle transforme le regard que l’on porte sur soi-même… et celui que les autres portent sur le handicap.

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