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Mains rouges taguées sur le Mémorial de la Shoah: deux à quatre ans d'emprisonnement requis contre quatre Bulgares

Des peines de deux à quatre ans d'emprisonnement ont été réclamées jeudi à l'encontre de quatre Bulgares, poursuivis pour avoir tagué des "mains rouges" en mai 2024 sur le Mémorial de la Shoah, sur fond de soupçons d'ingérence étrangère.

Antonin UTZ - AFP/Archives

Des peines de deux à quatre ans d'emprisonnement ont été réclamées jeudi à l'encontre de quatre Bulgares, poursuivis pour avoir tagué des "mains rouges" en mai 2024 sur le Mémorial de la Shoah, sur fond de soupçons d'ingérence étrangère.

La procureure, Camille Poch, a requis deux ans contre les deux exécutants de l'opération, Filipov et Kiril Milushev; le double contre les "cerveaux" présumés, Nikolay Ivanov et Mircho Ivanov - ce dernier est en fuite.

Au deuxième jour de l'audience devant le tribunal correctionnel de Paris, le procès s'est concentré jeudi sur sa seule raison d'être juridique: des dégradations en réunion et en raison de la prétendue appartenance à une race, ethnie ou religion, ainsi qu'association de malfaiteurs.

Avec un paradoxe: l'instruction, autant que la première journée des débats, avaient mis en évidence une entreprise "susceptible de correspondre à une action de déstabilisation de la France orchestrée par les services de renseignement" russes.

Le service Viginum, chargé de la lutte contre les ingérences numériques étrangères, avait lui-aussi observé "une instrumentalisation" de cette affaire sur le réseau X "par des acteurs liés à la Russie".

Le dossier s'inscrit en outre dans d'autres affaires liées à des ingérences étrangères: étoiles de David taguées en région parisienne, têtes de cochon abandonnées devant plusieurs mosquées ou cercueils déposés au pied de la tour Eiffel.

Sauf que si le dossier des "mains rouges" est le premier parmi ces tentatives de déstabilisation à être jugé, il ne l'est pas pour des atteintes "commises pour le compte d'une puissance ou d'une entité étrangère ou sous contrôle étranger", cette circonstance aggravante ayant fait son apparition dans le Code pénal postérieurement aux faits.

"La dimension d'ingérence n'enlève en rien la dimension d'antisémitisme, ce sont deux faces qui ne s'annulent en aucun cas: c'est presque un antisémitisme d'opportunisme", a estimé la procureure, en évoquant un "dossier où le trouble à l'ordre public est recherché pour lui-même" et qui "s'inscrit dans une recherche de fracturation de la société française".

- "Sphère complotiste" -

Quelques instants plus tôt, le directeur du Mémorial de la Shoah, Jacques Fredj, s'en était pour sa part tenu aux faits matériels, manière de rappeler que la découverte des tags sur "le seul monument dédié aux juifs de France" avait été "un tremblement de terre pour les quelques rescapés de la Shoah encore vivants et les familles des victimes".

La veille, les prévenus avaient juré avoir peint aveuglément ce "Mur des Justes", situé devant le Mémorial, dont la façade de 14 mètres de haut est dominée par une étoile de David de deux mètres sur deux, sans savoir "où ils étaient".

"Ça n'est pas possible de passer devant ce bâtiment et de ne pas comprendre que c'est a minima lié à la Deuxième Guerre mondiale, le Mur a une lumière qui part du sol et qui fait qu'on le voit parfaitement", ainsi que la liste des Justes gravée, d'autant que figurent également les drapeaux français et européen, a fait observer le directeur.

De même, ces "mains rouges", que les mis en cause assurent avoir pris pour des signes de paix, tel que l'aurait assuré leur leader - sous le coup d'un mandat d'arrêt et jugé en son absence -, sont pour le directeur du Mémorial une référence évidente au lynchage de deux soldats israéliens à Ramallah en 2000.

Alors que l'un des exécutants arbore le tatouage d'une croix gammée sur son torse - il l'avait mis mercredi sur le compte d'une simple erreur de jeunesse -, Jacques Fredj enfonce: "ils ne peuvent d'autant moins ignorer ce qu'est l'histoire de la Shoah et des Justes".

Quant à cette probable ingérence russe, le directeur du Mémorial de la Shoah en décortique tout le piège: "Cela permet à certains de dire: +Vous voyez, ces actes antisémites sont montés de toute pièce+. Ça va nourrir, une fois encore, la sphère complotiste". Alors que les actes à l'encontre de la communauté juive en France ont plus que doublé au premier semestre 2025 par rapport à la même période trois ans plus tôt, et que le Mémorial a été victime d'une nouvelle dégradation en mai 2025.

La défense doit plaider vendredi.

Par Paul AUBRIAT / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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