Routes bloquées ou déversement de lisier dimanche: des éleveurs de bovins ont multiplié les actions dans tout le Sud-Ouest, avant la venue lundi à Toulouse de la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, dont ils contestent la gestion de l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).
Le ministère de l'Intérieur a recensé 27 actions en fin d'après-midi, rassemblant un peu plus de 1.000 agriculteurs. Dimanche soir vers 22h00, une soixantaine de tracteurs sont encore entrés sur l'autoroute A63 à Cestas, près de Bordeaux, pour bloquer le trafic en provenance de l'Espagne avant d'installer tables et barnums, à l'appel de la section girondine de la Coordination rurale.
Le mouvement entamé vendredi soir "continue et se développe", s'était réjoui dimanche matin Bertrand Venteau, président de ce syndicat très opposé, comme la Confédération paysanne, à l'abattage généralisé des bêtes des foyers affectés et exigeant une large vaccination du cheptel français de 16 millions de bovins contre cette maladie non transmissible à l'homme.
Beaucoup de manifestants se disent "choqués" par l'utilisation de gaz lacrymogènes par les gendarmes en milieu de semaine en Ariège pour disperser les éleveurs qui bloquaient aux vétérinaires l'accès à la ferme touchée par le premier cas de DNC dans cette partie du pays.
Dimanche, près de 150 éleveurs et exploitants agricoles occupaient malgré le froid un rond-point et bloquaient la route vers l'Andorre, non loin de cette ferme des Bordes-sur-Arize où 200 vaches ont été abattues, a constaté un journaliste de l'AFP.
Plus d'une centaine d'agriculteurs se sont aussi réunis devant une ferme de Haute-Garonne, dans l'attente des résultats des tests d'un bovin suspecté d'être infecté, et à Millau, la sous-préfecture de l'Aveyron a été recouverte de lisier, paille et pneus usagés.
"On est parti pour passer les fêtes ici", a pour sa part assuré à l'AFP Cédric Baron, agriculteur-éleveur de bovins à Montoussin (Haute-Garonne), mobilisé depuis vendredi soir sur l'A64 à Carbonne, au sud-ouest de Toulouse, point de départ d'un précédent mouvement de protestation agricole en janvier 2024.
- "Aucun foyer actif" -
"Quand il y a une bête malade, tout le monde est d'accord pour l'abattre, mais tuer des troupeaux entiers, alors qu'il faut des années pour monter une génétique et monter un troupeau, on est totalement contre", a expliqué à l'AFP Christophe Guénon, éleveur de vaches et maraîcher en bio, près de Bordeaux.
Un tracteur sur l'autoroute A75 lors d'un blocage organisé par des agriculteurs à Sévérac-d'Aveyron, le 14 décembre 2025
Idriss Bigou-Gilles - AFP
La ministre de l'Agriculture, soutenue sur ce dossier par l'alliance syndicale majoritaire FNSEA-Jeunes Agriculteurs, défend "un protocole qui a très bien fonctionné" depuis l'apparition du premier cas de cette maladie, en juin, en Savoie.
"Si on ne fait rien, si on laisse courir la DNC, on perdra 10 % du cheptel français, cela veut dire 1,5 million d’animaux", a-t-elle averti dans L'Opinion.
Alors que M. Venteau redoute "un drame dans moins d'un mois" et que "tout le sud de la Loire soit contaminé", faute de vaccination immédiate, la ministre assure que "le virus n'est pas aux portes de chaque élevage".
Lundi à Toulouse, Mme Genevard se rendra à la préfecture de Haute-Garonne pour une "réunion de crise sur la situation sanitaire et la campagne vaccinale" qui concerne un million de bêtes supplémentaires, en plus du million déjà vacciné.
"Mon devoir est aussi de protéger 125.000 autres éleveurs qui ne veulent pas voir arriver la maladie chez eux, et de préserver 16 millions de bovidés", a-t-elle fait valoir.
- "Dialogue franc" -
Le gouvernement est réticent à généraliser la vaccination car elle "placerait la France comme une zone à risque et donc ça ferait peser un risque économique sur toute la filière agricole", a plaidé dimanche Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l'Industrie.
La ministre de l'Agriculture Annie Genevard, le 8 décembre 2025 à Rungis, près de Paris
JULIEN DE ROSA - AFP/Archives
La présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga, a demandé dimanche au Premier ministre Sébastien Lecornu "de garantir, dans les plus brefs délais, un dialogue franc et sincère avec les agriculteurs".
Le dialogue est déjà "permanent", a soutenu la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, qui souligne que seulement 3.000 bêtes ont été abattues depuis le début de cette maladie, ce qui ne représente que "0,02 % du cheptel français" et "permet de protéger les autres".
Carole Delga, présidente socialiste de la région Occitanie, le 6 novembre 2025 à Versailles
Geoffroy VAN DER HASSELT - AFP/Archives
D'autres dossiers brûlants comme la baisse annoncée du budget de la Politique agricole commune (PAC) européenne et le Mercosur alimentent aussi la colère des agriculteurs.
Emmanuel Macron a demandé à la présidente de la Commission européenne un "report de l'examen de l'accord" de libre-échange avec le bloc sud-américain, constatant que "le compte n'y est pas pour protéger les agriculteurs français", selon son entourage .
La Commission européenne vise un feu vert des Etats membres de l'UE dans la semaine pour permettre de parapher le texte samedi lors d'un sommet Mercosur au Brésil, avant une adoption au Parlement européen début 2026.
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Par Karine ALBERTAZZI avec Germain MICHELET à Carbonne / Cestas (France) (AFP) / © 2025 AFP