100 Rafale pour 30 milliards d’euros. Les termes de la lettre d’intention signée par Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron hier à la base de Villacoublay ont tout pour faire saliver la France. Pour autant, il s’agit bien d’une lettre d’intention et non d’un accord. Ainsi, rien n’oblige l’Ukraine à s’offrir le fleuron de l’aviation tricolore. Trois facteurs pourraient même faire capoter ce projet à peine né.
1 - Un financement plus qu’incertain
Le principal doute de cette éventuelle vente tient au financement colossal qu’elle impliquerait. Avec un montant estimé à près de 30 milliards d’euros, aucune des deux parties n’a, à ce stade, présenté de mécanisme de paiement clair. Ni Kiev ni Paris n’ont détaillé comment une telle somme pourrait être réunie, d’autant que l’Ukraine traverse une période de fragilité économique extrême. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, résumait récemment la situation en estimant que « l’ampleur du déficit de financement de l’Ukraine est significative », laissant donc entendre l’impossibilité pour Kiev de supporter seule un tel achat dans l’immédiat.
Les pistes alternatives ne semblent pas plus réalistes. Un financement direct par l’Union européenne ne figure pas dans les projets actuels, alors que Bruxelles prévoit déjà de débloquer 70 milliards d’euros en 2026 pour soutenir l'Ukraine. L’autre option consisterait à utiliser les avoirs russes gelés en Belgique. Mais cette solution, juridiquement complexe et politiquement risquée, expose l’UE à de potentielles représailles de Moscou. Dans ces conditions, le plan de financement des 100 Rafale apparaît, pour l’heure, aussi fragile qu'improbable.
La lettre d'intention de vente des 100 Rafale à l'Ukraine@perikolegasse :"Je crains que l'Ukraine ne voit pas la couleur de Rafale" #LaFranceDansTousSesEtats
— Sud Radio (@SudRadio) November 18, 2025
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2 - La concurrence suédoise
Outre le financement, la concurrence étrangère pourrait compromettre la vente des 100 Rafale. En effet, l’Ukraine ne mise pas tout sur le Rafale français. Kiev a déjà placé des pions en Suède pour l’achat de 100 à 150 Gripen E, un chasseur plus léger, moins coûteux à exploiter et conçu pour fonctionner sur des infrastructures simplifiées. Là aussi, il s’agit d’une lettre d’intention. Néanmoins, il est logiquement impensable que Volodymyr Zelensky s’offre les avions suédois et français. Mais la Suède pourrait profiter du coût moins élevé de ses engins pour rafler la mise. De plus, le gouvernement suédois a indiqué être prêt à aider au financement, notamment via des crédits à l’export ou des mécanismes européens.
Au-delà des aspects budgétaires, le calendrier joue aussi en faveur des Suédois. Le projet Gripen prévoit des livraisons potentielles dès 2026 et même une localisation partielle de la production en Ukraine à partir de 2033, ce qui renforcerait l’autonomie de l’Ukraine et réduirait les coûts de maintenance à long terme.
3 - Une livraison pas avant 2030
À l’inverse, la question du calendrier constitue l’un des points les plus problématiques pour la France, la filière Rafale étant déjà saturée pour plusieurs années. 239 appareils restent à livrer entre les commandes françaises et les clients étrangers. Et la production n’excède pas quatre avions par mois. Dans ces conditions, les premières livraisons à l’Ukraine ne pourraient matériellement pas intervenir avant fin 2029 ou début 2030, au mieux.
Ce décalage réduit considérablement la pertinence militaire immédiate de l’achat, alors que l’Ukraine cherche avant tout à renforcer sa défense aérienne dans un contexte de guerre active. Ce retard structurel est d’autant plus important que la situation géopolitique peut évoluer profondément d’ici la fin de la décennie. L’état du front face à la Russie, la posture de l’Union européenne, ou même les priorités de Kiev pourraient être radicalement différents en 2030, rendant le besoin opérationnel moins urgent ou orientant l’Ukraine vers d’autres solutions.