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L'édito politique de Laurent Mauduit - Privatisations sans limite

Dans dix départements, une expérimentation commence chez 600 buralistes pour tester la possibilité pour les citoyens d’y payer leurs impôts. C’est une mesure qui simplifie la vie des contribuables, mais elle m’inquiète. Car c'est le prolongement de la privatisation à outrance.

L'édito politique de Laurent Mauduit

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Écoutez, j’entends bien les arguments avancés par le ministère du Budget, sous le registre du bon sens : les buralistes constituent le premier réseau de commerce de proximité en France. Alors si ce réseau peut aussi servir à faciliter la vie quotidienne des Français, notamment les plus âgés, ceux qui ne savent pas manier Internet et sont incapables de payer leurs impôts en ligne, pourquoi ne pas leur offrir ce service ? Seulement voilà ! Il faut appeler un chat un chat : c’est une privatisation qui est engagée. La privatisation d’une mission souveraine de l’État, celle du recouvrement de l’impôt.

Vous observerez d’ailleurs que la Confédération des buralistes a remporté cet appel d’offres, en association avec la Française des Jeux, qui vient elle-même d’être privatisée. Et la conséquence est double. D’abord, les effectifs publics dans les centres des impôts vont diminuer. Et, deuzio, les buralistes vont être rémunérés pour ce travail. Oh certes, une petite somme : 1,50 € par opération. Mais c’est un tabou qui est brisé : le service public est partiellement privatisé et cesse d’être gratuit.

Oui, mais je viens de le dire, ce n’est qu’une expérimentation…

C’est en réalité beaucoup plus grave que cela ! Car il y a de plus en plus de services de l’État qui sont ainsi privatisés. C’est le cas pour le permis de conduire. C’est le cas aussi pour les contrôles de vitesse, qui sont sous-traités à des entreprises privées, même s’il s’agit en réalité de missions de police. C’est le cas également dans de nombreux consulats français, lors de la délivrance des visas.

Et dernier exemple, c’est le cas également de l’Office national des forêts, qui est le prolongement de la plus vieille administration française, celle des « Eaux et forêts », créé au XIIème siècle sous Philippe Auguste, et qui est aujourd’hui menacée par une privatisation rampante…

Et pourquoi ces privatisations sont-elles plus inquiétantes que les précédentes ?

Parce qu’elle constituent l’acte III du séisme des privatisations. L’acte I a d’abord été la privatisation des banques et des groupes industriels, au cours des années 80 et 90. Puis, avec l’acte II, il y a eu la privatisation, qui n’est pas encore achevée, des services publics ou des biens communs, comme les autoroutes et les aéroports. Et puis l’acte III, c’est celui qui commence : c’est une privatisation de l’intérieur de l’État lui-même.

C’est dire que nous sommes confrontés à un capitalisme boulimique qui ne connaît plus de limite à l’appropriation. On en vient même à craindre qu’il y ait un jour un acte IV, avec la marchandisation du vivant, du savoir, de l’eau, de l’air. Autant de biens communs qui devraient être inaliénables.

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