L'héritage du coureur américain Steve Prefontaine, icône de la piste dans les années 1970, reste intense à Eugene (Oregon) 50 ans après sa mort, où il fascine toujours témoins de l'époque et jeunes générations.
Dans la cité verte de Eugene, impossible d'échapper à Steve Prefontaine, regard féroce et foulée véloce, moustache épaisse et cheveux aux vents, présent partout, des affiches aux tee-shirts, et dont le meeting international disputé samedi porte le nom depuis 1975. La ville célèbre cette année les 50 ans de la mort de ce James Dean du tartan, décédé à 24 ans au volant de sa roadster convertible MGB bleue, quelques heures après une ultime compétition.
"Son héritage est évident, ses phrases cultes n'ont pas pris une ride", estime l'Australienne Jessica Hull, vice-championne olympique du 1.500 m et ancienne athlète de la célèbre Université de l'Oregon, antre du phénomène.
"Il disait que donner un peu moins que son maximum, c'était déjà gâcher son talent. Ses mots résonnent toujours auprès des générations actuelles".
- "La classe" -
Le champion olympique américain du 1.500 m Cole Hocker, lui aussi un ancien "Duck" de l'Oregon, s'est laissé pousser les cheveux "à cause de Prefontaine". "Il avait la classe", sourit le coureur au catogan.
"Il est sûrement le premier athlète dont j'ai entendu parler. Mon père m'avait montré tous les films (...) Dès mes premiers pas sur ce campus je m'étais senti investi d'une mission, de jouer ce rôle en m'inspirant des anciennes légendes, à commencer par +Pre+", comme tout le monde l'appelle dans le coin.
Lauren Gross, archiviste à l'université, travaille depuis plus d'un an à mettre en valeur des anciennes photos du champion pour les 50 ans de son décès, ainsi que ses lettres échangées avec Bill Bowerman, son ancien entraîneur, cofondateur de Nike, une firme qui a fait de Prefontaine une icône marketing.
"Nous avons tenu notre compétition scolaire il y a quelques semaines, autour de la date anniversaire de son décès. Certains lycéens disaient qu'ils couraient dans le style de +Pre+", à savoir en tête et buste en avant, s'amuse l'archiviste.

Neta Prefontaine, la sœur du légendaire coureur de fond américain Steve Prefontaine, signe des autographes et parle à de jeunes fans au "Pre's Rock" à l'occasion du 40e anniversaire de sa mort, en marge du meeting de la Ligue de diamant de l'IAAF Prefontaine Classic, le 30 mai 2015 à Eugene (Oregon)
JONATHAN FERREY - GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives
La mémoire du 4e du 5.000 m des Jeux olympiques de Munich en 1972 est entretenue par un portrait géant sur la tour du plus que centenaire stade Hayward field, rénové en 2020, et par un mémorial sur les lieux de son accident, un virage qui surplombe la ville, où l'on dépose toujours maillots, dossards et chaussures de course.
- "Grande inspiration" -
Une nouvelle biographie a été publiée cette année ("The Front Runner", éditions Mariner), contant à nouveau les exploits sportifs et insistant sur la personnalité et la part d'ombre de +Pre+, battu durant son enfance à Coos Bay (Oregon), puis trop porté sur la boisson à l'âge adulte.
"Il était bien plus que ce coureur iconoclaste et impétueux. Il avait une profonde gentillesse, il entraînait de nombreuses athlètes féminines, ce que peu savaient", raconte à l'AFP l'auteur de l'ouvrage Brendan O'Meara.

Le perchiste français Renaud Lavillenie lors de la deuxième journée de l'IAAF Diamond League Prefontaine Classic, le 1er juin 2013, à Eugene (Oregon)
JONATHAN FERREY - GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives
"A force de recherche, nous les biographes faisons revivre nos sujets dans nos esprits. J'oubliais que son destin était de mourir le 30 mai 1975, à chaque fois ça me prenait aux tripes (...) Il voulait que chacun poursuive son but avec passion, il a été une grande inspiration pour moi aussi".
En cette soirée printanière, Mark Cullen, alors étudiant à Eugene devenu un journaliste référent sur la vie de l'athlète, avait assisté à la dernière course du héros, sur sa piste fétiche.
"Je me rappelle précisément où j'étais au moment de sa mort, à minuit trente", quelques heures plus tard, relate, ému, le septuagénaire qui voit "Pre" comme "une icône sportive et culturelle", "des clichés tous bien réels".
"J'étais encore dans les gradins du stade, c'était mon refuge, je venais pour réfléchir au calme à mon futur. J'étais sur le point d'être diplômé, tout cela me stressait. Je n'avais alors aucune idée de ce qui s'était joué à deux kilomètres de moi. Nous avons appris la nouvelle le lendemain matin à la radio. Le petit-déjeuner a été silencieux. Comme la fête de remise des diplômes. Il n'y avait pas moyen d'échapper à cette catastrophe".
Par Robin GREMMEL / Eugene (États-Unis) (AFP) / © 2025 AFP