Retrouvez le regard libre d'Élisabeth Lévy chaque matin, du lundi au vendredi, à 8h15.
"En cette journée de protestation, vous voulez parler d’Emmanuel Macron ?
Ces jours-ci on compare beaucoup Édouard Philippe à Alain Juppé, sacrifié en 1995 en même temps que la réforme du régime spécial de la SNCF. On pourrait ajouter qu’Emmanuel Macron fait terriblement penser à Chirac et pas seulement parce que Brigitte Macron a repris l’opération pièces jaunes de Bernadette. Le président de la République était en première ligne durant la crise des GJ, il s’est offert, avec le Grand débat une campagne électorale sans contradicteurs, il garde la main sur tout, y compris sur la nomination du directeur de l’opéra de Paris. L’Elysée contrôle les agendas et les interventions des ministres. Bref, jusque-là évoquait plutôt l’hyperprésidence que le pouvoir jupitérien. Cependant, il est plutôt en retrait sur la réforme des retraites.
En retrait, voire carrément aux abonnés absents. Pas un mot sur le sujet entre le 22 novembre et le 31 décembre. Le 12 décembre à Bruxelles, il déclarait : « Il y a un président de la République qui défend les intérêts français ici et un gouvernement qui travaille à Paris. » Lors de ses vœux, il s’est contenté de dire que « la réforme serait menée à son terme » et de refiler le mistigri à Edouard Philippe, prié de trouver « la voie d’un compromis rapide ».
En somme, il envoie son Premier ministre en première ligne, dans le but, dit-on de s'affairer à sa réélection, notamment en soignant son image écolo. Il semble que les Verts, qui pourraient ravir Lyon et Bordeaux aux municipales, l’inquiètent de plus en plus.Quoi qu’il en soit, ce partage des tâches est conforme à la Constitution, non ?
Pas vraiment, s’agissant d’une réforme qui ne relève pas de la gestion quotidienne mais des grandes orientations et qui est peut-être plus importante pour les Français que la direction de l’Opéra.
Or, ils n’ont pas élu Philippe mais Macron. Quoi qu’ils pensent de la réforme, ils attendent que le Président assume la responsabilité qui va de pair avec la légitimité. D’après un sondage YouGov réalisé pour le HuffPost, les Français sont 59 % à attendre que le Président s’implique dans la sortie de crise. Beaucoup, au sein même de son camp, doutent de la détermination affichée par le chef de l’État et se demandent si celui-ci, debout face à Trump, va finalement se coucher devant Martinez. Bref, la belle théorie du fusible qu’affectionnent les journalistes ne semble pas les convaincre. Alors, quoi qu’il décide, il est temps qu’Emmanuel Macron cesse de faire la grève de l’arbitrage et du pouvoir.