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Le regard libre d'Élisabeth Lévy - Le grand enfumage de l'âge pivot

Hier soir, le Premier ministre l'a dit devant tous les Français au journal de 20 heures : l'âge pivot est temporairement retiré de la réforme des retraites. Mais il y a une réalité économique à ce projet : comment le gouvernement parviendra-t-il à mener à bien sa réforme sans l'âge pivot ? Et s'il est si facile de trouver une solution, pourquoi ne pas l'avoir sorti avant du chapeau de magicien ?

Le regard libre d'Élisabeth Lévy

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Le gouvernement et la CFDT sont arrivés à un compromis sur l’âge pivot. Faut-il s’en réjouir ?  

Pour se réjouir, il faudrait y comprendre quelque chose. Mais tout cela ressemble beaucoup à un enfumage destiné à ménager une porte de sortie honorable à la CFDT.

Résumons. Après nous avoir vendu une grande réforme systémique - la retraite à points pour tout le monde - le gouvernement s’est avisé que le système serait déficitaire et a donc sorti de son chapeau une réforme paramétrique. C’est le fameux âge pivot qui devait se mettre en place entre 2022 et 2027, date à laquelle tout le monde, pour avoir sa retraite à taux plein, aurait dû travailler jusqu’à 64 ans. Ce qui a provoqué la grande fureur de la CFDT, favorable au système à points.

Justement, Edouard Philippe y a renoncé.

Dans sa lettre adressée aux syndicats, samedi, il a en effet annoncé que cette mesure ne figurerait pas dans le projet de loi présenté le 24 janvier en Conseil des ministres. Médias et réseaux sociaux ont tambouriné : le gouvernement a retiré l’âge pivot. La CFDT a crié victoire. Emmanuel Macron a applaudi « un compromis constructif et de responsabilité ».

On n’avait pas bien lu les clauses en petits caractères. Ce retrait est en réalité « conditionnel » ou « provisoire », donc assez hypothétique.

En effet, le Premier ministre refile le bébé aux partenaires sociaux et à la fameuse conférence de financement. À eux de parvenir à l’équilibre sans réduire les pensions ni augmenter les cotisations.

Qu’y a-t-il de choquant dans ces demandes ? 

Rien. Nous sommes tous favorables à un système où on paye moins et où on gagne plus.

Mais nos plus brillants cerveaux planchent depuis des mois sur cette équation impossible : comment financer des retraites qui durent plus longtemps sans que nous ayons à payer plus ? La seule solution qu’ils avaient trouvée, celle que le bon sens suggère, est qu’il faudrait travailler plus longtemps. Et maintenant, ils font semblant de croire que syndicats et patronat vont trouver la pierre philosophale, à savoir une solution indolore à ce casse-tête. Si elle existe, ils auraient pu y penser avant.

Voulez-vous dire que le gouvernement nous ment ?

Ou qu’il se ment à lui-même, ce qu’on appelle faire de la com.

Les macroniens qui ont fait le SAV de la lettre expliquent que personne n’a perdu. Un compromis gagnant/gagnant. Je serais plutôt d’accord avec Philippe Martinez qui a déclaré hier que, plus les jours passaient, plus la réforme était incompréhensible. Et comme le disait la grand-mère de Martine Aubry, quand c’est flou, il y a un loup.

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