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Sara Daniel : "Il n'y avait pas de pouvoir central, pas de pouvoir fort en Afghanistan"

Sara Daniel, grand reporter à L’Obs et co-auteur avec Benoît Kanabus du livre "La putain du califat" (Éditions Grasset), était l'invité de Christine Bouillot dans le "12-13h de l’été" le 16 août 2021 sur Sud Radio.

Sara Daniel, invitée du "12-13h de l'été".

Les Talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan. Le président, Ashraf Ghani, a fui le pays pour le Tajikistan.

 

"La prise du pouvoir par les Talibans n’était pas complètement une surprise"

"J’étais en Afghanistan lorsque les Talibans avaient été chassés du pouvoir il y a 20 ans. J’ai vu tous les espoirs qui avaient été suscités parmi la population, notamment chez les femmes. Après, ce n’était pas inattendu. On s’attendait tous à ce que dans les mois qui viennent, les Talibans reprennent le pouvoir, ça se préparait depuis des mois voire des années. On savait qu’à partir du moment où les troupes américaines allaient commencer leur retrait, les Talibans reprendraient le pouvoir. Ce n’était pas une surprise, mais à la fois c’était complètement déchirant de voir ces scènes.

Je pense que les Talibans eux-mêmes ont été surpris de cette facilité. Il y avait une propagande énorme qui venait à la fois des Américains et du régime afghan qui disait que l’armée pourrait repousser ces assauts. En fait c’était une armée corrompue et surtout, qui ne dépendait d’aucun pouvoir fort. C’est toujours un problème quand on n’a pas d’ordres directs, pas d’organisation. Cette armée s’est effondrée comme un château de cartes, ce que beaucoup de spécialistes et de journalistes avaient écrit. Mais je pense que les Talibans eux-mêmes ont été surpris de la rapidité avec laquelle ils ont pu conquérir le territoire", a expliqué Sara Daniel.

"Ashraf Ghani était une sorte d’apparatchik très américanisé"

Selon Sara Daniel, Ashraf Ghani n’avait de toute façon pas beaucoup de pouvoir dans son pays. "Contrairement au président Karzai, le président Ghani n’était pas un homme corrompu. Mais il était un homme qui n’avait aucune assise dans le pays profond. Il était une sorte d’apparatchik très américanisé. Il a fait ses études à Colombia, ce n’était pas un Afghan qui avait des liens avec les tribus. Cet État était apposé artificiellement sur le pays. Le président Ghani s’est enfui à l’étranger, à partir du moment où il n’y a plus d’État en Afghanistan, les choses devraient se passer assez tranquillement pour les Talibans."

Alors, les Talibans, ont-ils des cibles immédiates ? "Tous les Afghans qui ont aidé les Américains à mener les opérations spéciales", a répondu Sara Daniel.

"Les Talibans n’ont absolument pas changé"

Qui sont donc ces Talibans version 2021, ont-ils changé depuis vingt ans ? "Ils veulent qu’on accepte qu’ils aient changé, ils veulent être ces Talibans 2.0. Et d’une certaine manière c’est vrai. Ils ont subi l’influence du Qatar, ils ont pu observer comment les Frères musulmans ont fait du soft power dans certains pays. Pour ce qui est de la réalité de leur idéologie, ils n’ont absolument pas changé, on l’a d’ailleurs vu pendant leur progression à travers le pays, il y a eu des attentats contre les écoles de filles. Les femmes sont toujours soumises de la même manière, c’est le point cardinal de leur idéologie, leur obsession. Avec les Talibans il n’y aura plus d’éducation, plus de femmes juges, tout ce qu’on a vu prospérer ces dernières années. C’est un retour à un archaïsme absolu pour la femme afghane aujourd’hui."

 


 

"Pour la première fois, un gouvernement rétrograde sera assis au sein de la communauté internationale"

Va-t-il y avoir une realpolitik des grands voisins dans cette zone ? "Les Talibans attachent beaucoup d’importance à cette reconnaissance internationale ou au moins régionale. On a vu les contacts qu’ils avaient noué avec les Chinois. Les Chinois soient très contents que les Américains quittent leur frontière, parce qu’il y a une petite frontière entre l’Afghanistan et la Chine. L’Iran aussi. Et puis il y a une espèce d’axe asiatique qui va se jouer. Et on a vu ces images surréalistes d’une délégation talibane reçue à Pékin. Il y a déjà des accords économiques, les Chinois sont très, très présents en Afghanistan, et cela va continuer. On va assister pour la première fois au fait qu’il y a un gouvernement rétrograde qui va avoir des relations diplomatiques et qui va être assis au sein de la communauté internationale."

 


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