Quelle était la probabilité pour que deux événements aussi symboliques dans l’histoire de France se déroulent à la même date et à seulement un an d’intervalle ? En seize ans, les exploits de Napoléon sont si nombreux qu’il est parfois difficile de faire le tri. Mais parmi les moments les plus marquants de l’empereur, il en est deux qui ont réussi l’exploit de tomber le même jour. En un an, le Corse s’est à la fois couronné en 1804 puis est parvenu à devenir le maître de l’Europe en remportant la mythique bataille d’Austerlitz en 1805.
Contrairement au 11 novembre, 6 juin ou 14 juillet, lorsque l’on voit la date du 2 décembre sur notre téléphone, à vrai dire rien ne nous fait penser immédiatement à une date historique. Pourtant si tout le monde sait que Bonaparte a été sacré empereur, notamment grâce au célèbre tableau de David qui siège en maître au musée du Louvre, tout le monde ne connaît pas le contexte du couronnement.
Les raisons du sacre
Nous sommes à la fin de l’année 1804 et Napoléon est alors Premier consul suite au coup d’État du 18 brumaire organisé en 1799. Bien que la guerre, qui est à la fois économique et navale avec l’Angleterre, perdure, le futur empereur a assis son autorité sur l’Europe. Cependant, même avec la crainte qu’inspirent le Corse et les armées françaises aux autres monarchies d’Europe, à l’intérieur même du pays, les peurs demeurent.
EN TOUTE VÉRITÉ - Jean-Marie Rouart s'exprime sur la mémoire de Napoléon :
— Sud Radio (@SudRadio) December 31, 2023
"Tous les hommes qui ont servit Napoléon sont en admiration devant lui, même ceux qui ont perdu un bras ou une jambe"https://t.co/rEVMEOiEQn pic.twitter.com/I5reVJumJ2
Conserver les acquis de la révolution
Car si le pays a retrouvé une stabilité avec Bonaparte depuis la période du Consulat, il reste une République, jugée comme inacceptable pour les monarchies européennes. De plus, au sein même de la France, les troubles liés à la Révolution continuent et fatiguent. Faire sacrer Napoléon empereur des Français est donc un moyen, tout en conservant les acquis de la Révolution, d’entamer une nouvelle ère, celle de l’Empire, dans lequel la continuité de la France pourra suivre avec la descendance de Napoléon.
Le couronnement est donc organisé à la date du 2 décembre. Dans sa tenue de sacre, l’empereur multiplie les références à l’Empire romain ou aux anciennes dynasties françaises. Une manière aussi d’apaiser la frange royaliste en France, encore très présente. Ainsi Napoléon choisit l’emblème de l’aigle qui évoque les légions romaines mais aussi Charlemagne. Il est également vêtu d’un manteau avec le symbole de la fleur de lys, référence directe aux rois de France, et porte à sa main un sceptre appelé “main de la justice”, utilisé par les rois capétiens.

Un couronnement à Notre-Dame sous les yeux du pape
Contrairement à la tradition impériale et notamment à Charlemagne, Napoléon refuse de se faire couronner à Rome et impose ainsi au pape Pie VII de venir à Paris pour l’occasion. Il sera sacré à la cathédrale de Notre-Dame, ce qui marque une rupture avec les rois de France qui, eux, l’étaient à Reims. La présence du pape est aussi une double caution : tant pour apaiser les catholiques de France, chahutés pendant la Révolution française, que pour les autres monarchies d’Europe devant lesquelles il obtient, avec le pape à ses côtés, une dimension morale et légitime de l’Empire.
Mais aucune figure n’impressionne l’empereur, pas même le pape devant lequel il s’auto-couronne. Pie VII est donc présent à la messe seulement pour bénir le règne de Napoléon. Ainsi, le sacre n’est pas que le fruit d’une lubie de Bonaparte sorti d’un narcissisme mal placé, mais bien un calcul politique, populaire et religieux de celui qui est désormais Napoléon Premier, empereur des Français. Cette période fait donc entrer la France dans l’ère de l’Empire.
Austerlitz, la plus grande des batailles
Parmi toutes les grandes batailles remportées par Bonaparte, l’une d’elles demeure gravée. Pas seulement dans l’histoire de France : Austerlitz résonne dans le monde entier comme le signe du génie militaire de l’empereur et l’apogée de la puissance française du début du 19ème siècle. En ce 2 décembre 1805, il y a 220 ans le soleil de la petite ville tchèque fait son apparition dans la matinée qui précède la bataille, la bonne étoile de Napoléon continue de le suivre, on croirait presque que rien ne peut stopper celui qui est alors âgé de 36 ans.
Malgré le sacre de Napoléon, la création de l’Empire n’empêche pas la guerre en Europe. La guerre dite des coalitions, qui dure depuis 1803 entre la France et l’Angleterre, continue et s’intensifie jusqu’à arriver à un point de rupture. En effet, la France, qui empêche le Royaume-Uni de développer son commerce sur l’Europe en bloquant toutes les voies maritimes, se heurte aux alliances que les Anglais parviennent à obtenir.
La Guerre de la 3ème coalition
Avec un traité passé avec la Russie, l’Angleterre compte bien financer la guerre en Europe. Mais le plus grand pays du monde est aussi très loin de l’Empire, alors un pays devient l’enjeu de toutes les luttes diplomatiques. L’Autriche, bien qu’ayant reconnu l’Empire français, finit par céder et rejoint l’alliance composée des deux pays le 29 août 1805. Suite à cette décision autrichienne et en abandonnant son idée d’envahir l’Angleterre par la mer, l’empereur lance la Grande Armée vers l’Autriche. À la tête de plus de 200 000 hommes, les Français marchent sur leurs ennemis. C’est le début de la guerre de la 3ème coalition.

La stratégie de l'empereur
Durant cette campagne, Napoléon est accompagné des plus talentueux maréchaux de l’Empire : Lannes, Murat, Davout ou encore Berthier dirigent les principales armées françaises. Dès le mois d’octobre, la campagne est marquée par une victoire majeure à Ulm qui donne l’avantage stratégique à l’empereur en décimant une partie des armées autrichiennes.
Arrive le 2 décembre où les armées napoléoniennes affrontent celles de l’Autriche et de la Russie. Grand stratège, Napoléon Ier étudie autant le terrain que ses ennemis, et abandonne les hauteurs du plateau de Pratzen, incitant ainsi ses adversaires à s’y installer. Convaincus de tenir une position forte, les Austro-Russes s’y concentrent, sans voir le piège.
Un chef-d’œuvre militaire
Dès 8 heures, les Français déclenchent l’assaut ; pourtant en infériorité numérique, les soldats de l’empereur brisent en deux l’armée ennemie et écrasent tour à tour les ailes austro-russes désormais isolées. Le bilan est sans appel : environ 35 000 pertes du côté autrichien et russe, contre 3 100 seulement pour les Français. Côté matériel, les quelques centaines de canons perdus seront fondus pour édifier la colonne Vendôme, à Paris.
Une victoire rentrée dans l’histoire, notamment pour le chef-d’œuvre militaire tactique mais aussi pour les conséquences géopolitiques. La postérité de cette bataille retiendra aussi certaines références populaires comme le fameux soleil d’Austerlitz ou encore des phrases dites à ses hommes par l'empereur après la bataille : “Soldats, je suis content de vous”.
La “bataille des trois empereurs” du 2 décembre 1805 aboutira à l’armistice du 6 décembre puis à la signature du traité de Presbourg, à Bratislava, le 26 décembre 1805. En un an, Napoléon aura donc réussi à devenir Empereur et a remporter la plus grande bataille de l'histoire. Mais pas à inscrire le 2 décembre au "Panthéon" des jours fériés.