ARTE, en coproduction avec CAPA Presse, a lancé sur sa plateforme arte.tv et sur Youtube une collection documentaire d'investigation "Sources", une série d’enquêtes menées à partir de bases de données open source, un nouveau territoire d'investigation. "Sources" propose une nouvelle enquête chaque dernier mercredi du mois.
Valentin Petit : "On est loin de l'image qu'on pouvait avoir avant de quelqu'un seul face à des centaines de téléphones, qui scrolle lui-même"
En septembre 2024, la rédaction de "Sources" découvre une vidéo intrigante : des dizaines de téléphones accrochés à un mur qui semblent connectés aux réseaux sociaux. Un court extrait qui a amené les journalistes à s'intéresser aux "fermes de téléphones" au Vietnam, où des entreprises et des pirates informatiques fournissent tous les outils pour manipuler les réseaux. Dans ces lieux, de faux comptes sont utilisés, sur demande, pour inonder les plateformes de faux likes et de faux commentaires. "On est partis d'une vidéo qu'on a vue sur les réseaux sociaux de manière un peu fortuite. Et on s'est dit : 'Mais qu'est-ce qu'il y a derrière ça ? C'est très étrange, ce mur où il y a une centaine de téléphones avec deux personnes devant'. On a tiré le fil et on s'est rendu compte que derrière tout ça, il y avait des faux comptes et des comptes volés, et que ces gens-là manipulaient les réseaux sociaux. On sait qu'on est manipulés sur les réseaux sociaux, qu'il y a des faux comptes, parfois il y a des campagnes de désinformations. Mais là, on peut aller un peu à l'arrière-cuisine. On voit comment ça fonctionne, qui sont les gens qui font ça, comment ça marche, et c'est assez passionnant", a commenté Sylvain Pak.
"Avec ces fermes de téléphones, on est loin de l'image qu'on pouvait avoir avant de quelqu'un seul face à des centaines de téléphones, qui scrolle lui-même. Non, c'est tout un système d'automatisation qui a été mis en place. Cette entreprise gère trois aspects : la vente de matériel, c'est-à-dire tous ces téléphones qui vont être connectés, elle gère la vente de logiciels qui permettent de gérer tous ces téléphones, et elle vend de fausses interactions sur les réseaux sociaux", a fait savoir Valentin Petit.
"Il y a des techniques de piratage élaborées, comme la récupération de cookies"
Valentin Petit a réalisé cette enquête sans mettre les pieds au Vietnam... "Le principe, c'est que c'est une enquête numérique. On est derrière nos ordinateurs, il n'y a pas de tournage, on ne va pas sur le terrain, C'est ce qu'on appelle une enquête en source ouverte, c'est-à-dire toutes les sources qui sont disponibles à tout un chacun, si je sais où chercher, si j'ai les bons outils, si j'ai les bons réflexes. Et après on suit, on tire un fil dans telle base de données, sur tel site, sur tel réseau social, sur telle carte satellite… et on essaie de voir ce qu'on peut trouver, comment on peut enquêter à partir de là", a expliqué Sylvain Pak.
Comment ces pirates informatiques récupèrent-ils les comptes ? "Il vont vous faire cliquer sur des liens, ils vont récupérer vos informations de connexion, ils vont vous faire rentrer vos informations de connexion sur une fausse page. C'est ce qu'on appelle du phishing. Il y a aussi des techniques plus élaborées, comme la récupération de cookies. Des cookies, il y en a sur Instagram et sur Facebook, que vous acceptez et qui vous permettent sur votre ordinateur, de rallumer votre ordinateur et de vous connecter directement sur votre profil. Il y a un ID, donc une suite de chiffres, qui permet de se connecter sans tout le temps rentrer son mot de passe. Cette suite de chiffres, il la récupèrent, et ils peuvent se faire passer pour vous", a expliqué Valentin Petit.
"Si on voyait la liste, on verrait que ce sont des comptes de très mauvaise qualité"
Comme l'explique Valentin Petit, Facebook ne permet malheureusement pas de visualiser les followers, et donc de repérer de faux followers. "Ces faux comptes sont d'assez mauvaise qualité. Ils permettent de montrer aux gens que le compte est suivi. Par exemple, sur Facebook, on voit marqué '200.000 followers', mais on ne peut pas aller dans la liste des followers. Et ces 200.000 followers, ce sont des faux comptes. On ne peut pas aller dans la liste. Si on voyait la liste, on verrait que ce sont des comptes de très mauvaise qualité. Ce n'est pas de l'engagement organique."
Combient de faux comptes peut-on ainsi acheter ? "On peut en acheter énormément, des centaines de milliers. On l'a vu notamment dans la campagne anti-Ukraine, dont on parle à la fin du documentaire, c'était de l'ordre de 200.000 abonnés."
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