Alexia Maunier retire avec d'infinies précautions la terre accrochée au pan de mur d'un mausolée vieux de 2.000 ans, qui vient d'être découvert sur le site de l'antique cité gallo-romaine de Vienne, dans le Rhône.
"On a les mains dans l'Histoire, c'est indescriptible", souffle l'étudiante en archéologie, 22 ans. "C'est mon premier chantier, c'est émouvant!"
Pour les archéologues chevronnés qui encadrent ce chantier école du Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal, de l'autre côté du Rhône face à Vienne, cette découverte au cœur de l'été, a aussi été "une très grande surprise, très émouvante".
Le mausolée date probablement du début de l'empire romain, entre la fin du 1er siècle avant Jésus-Christ et les tout premiers siècles de l'ère chrétienne.
Même si on n'en devine pour l'heure que les contours arrondis de la partie supérieure, il est "exceptionnel par son envergure" pour la Gaule, avec un diamètre intérieur estimé à 15 mètres, et par "son état de conservation", résume jeudi devant la presse Giulia Ciucci, docteure en archéologie et responsable du site.
Personne ne s'attendait, selon elle, à trouver une sépulture aussi prestigieuse, d'ordinaire réservée à l'élite de Rome, en plein cœur de ce qui est l'un des plus grands ensembles urbains de la civilisation gallo-romaine mis au jour en France, réparti sur 7 hectares ouverts au public.
- 6 m de hauteur -
Depuis la fin du 19e siècle, les fouilles à Saint-Romain-en-Gal ont révélé le quartier résidentiel riche et aristocratique de Vienna, le nom latin de cette cité devenue colonie de l'empire romain en 47 avant Jésus-Christ, cinq ans après la défaite de Vercingétorix à Alésia marquant la fin de la conquête de la Gaule par Jules César.

Des archéologues s'activent sur les vestiges d'un mausolée dans la cité gallo-romaine de Vienne, dans le Rhône, le 21 août 2025, sur le site de Saint-Romain-en-Gal
JEAN-PHILIPPE KSIAZEK - AFP
Après plus de 10 ans de suspension des fouilles, une quinzaine d'étudiants en archéologie s'y relaient depuis 2024.
Leurs professeurs recherchaient le reste de la mosaïque d'une domus (maison) découverte en 1890. À la place, ils ont découvert le sommet de ce mausolée, dont ils pensent qu'il mesure environ six mètres de hauteur.
Cela donne l'idée de l'importance de son propriétaire. "L'édifice devait dominer tout le paysage, être vu de loin parce que les morts, dans le monde romain, sont supposés être encore dans le monde des vivants et doivent y marquer leur présence", explique Giulia Ciucci.
À peine deux mètres de l'édifice ont été dégagés, et par endroits seulement. Tout reste donc à faire en creusant, mais ces fouilles seront suspendues fin août pour reprendre à l'été 2026.
Les archéologues et leurs étudiants, qui découpent pour l'heure minutieusement des petits morceaux de terre amalgamée sur les vestiges, avec des truelles fines, des petites pelles et même un aspirateur domestique, rongent leur frein.
L'un des buts: excaver la chambre funéraire, découvrir des écrits et connaître l'identité de celui ou celle qui y gît peut-être. "La plupart des chambres funéraires, en France ou en Italie, ont été pillées depuis l'Antiquité mais sait-on jamais...", espère Mme Ciucci.
- Boutiques -
L'architecture de cette sépulture, "très similaire à celle du mausolée à Rome d'Auguste", le premier empereur romain (27 av. J.-C. - 14), en dit long sur "l'importance de son propriétaire et rend cette découverte exceptionnelle", assurent en chœur Mme Ciucci et Emilie Alonso, la directrice du musée.

Des archéologues s'activent sur les vestiges d'un mausolée dans la cité gallo-romaine de Vienne, dans le Rhône, le 21 août 2025, sur le site de Saint-Romain-en-Gal
JEAN-PHILIPPE KSIAZEK - AFP
Il s'agit certainement d'un personnage illustre de Vienna et probablement très en cour dans la Rome d'Auguste, estime Giulia Ciucci. Car en y installant ses légionnaires les plus méritants, son grand-oncle César en avait déjà fait la ville d'une élite gauloise précocement romanisée.
"Ce type de mausolée, on en a recensé 18 en France jusqu'à maintenant mais très peu sont apparents" parce que recouverts par des constructions plus récentes, ou pas aussi bien conservés, assure Mme Ciucci.
Sur un autre chantier, les futurs archéologues et leurs enseignants ont mis au jour les vestiges de "trois boutiques", a également annoncé l'archéologue Benjamin Clément, qui dirige cette fouille. Ils permettront de "mieux comprendre la dernière étape des échanges économiques dans l'Antiquité, assez peu connue: celle des boutiquiers et du commerce de proximité".
Par Emmanuel GIROUD / Saint-Romain-en-Gal (France) (AFP) / © 2025 AFP