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Lilya Melkonian : "Il est difficile d'estimer la rentabilité des sociétés concessionnaires"

Par Jean Baptiste Giraud

Les journalistes Lilya Melkonian et Rola Tarsissi étaient les invitées de Valérie Expert et Gilles Ganzmann sur Sud Radio le 29 juin 2023 dans "Le 10h - midi".

Lilya Melkonian et Rola Tarsissi
Lilya Melkonian et Rola Tarsissi, invitées de Valérie Expert et Gilles Ganzmann dans "Le 10h - midi" sur Sud Radio.

Le 29 juin 2023 à 23h00, France 2 diffuse "Complément d’enquête : péages, superprofits : nos (trop) chères autoroutes", une enquête de Lilya Melkonian et Rola Tarsissi.

 

Lilya Melkonian : "Dominique de Villepin a fait privatiser la gestion des autoroutes malgré des études défavorables"

A-t-il été compliqué de réaliser cette enquête ? "La réalisation de cette enquête a été compliquée par sa technicité. Il y a énormément de chiffres, les chiffres ne disent pas la même chose, la Cour des comptes ne prend pas les mêmes chiffres que l’Inspection générale des finances… qui ne prend pas les mêmes chiffres que l’Autorité de régulation des transports", a répondu Rola Tarsissi.

Comme le raconte Lilya Melkonian, Dominique de Villepin estime toujours que l’État avait vendu la gestion des autoroutes au juste prix. "Dans le doc de ce soir, vous verrez qu'on a réussi à avoir tous les acteurs de premier plan qui racontent un peu les coulisses de ces discussions, de cette privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Parce qu’on n’a pas privatisé les autoroutes, elles appartiennent toujours à l’État. On a privatisé la gestion, les entreprises qui les gèrent. C'est cocasse : Jean-⁠Pierre Raffarin et Gilles de Robien nous racontent avant la privatisation pourquoi il n’aurait pas fallu privatiser. Ils avaient fait réaliser des études, et ces études montraient que quelques années plus tard, ces sociétés allaient devenir extrêmement rentables. Sauf que lorsque Jean-Pierre Raffarin tranche ‘on ne privatisera pas’, arrive Dominique de Villepin. Il dit aujourd’hui encore 'non, on a vendu au juste prix' (4,8 milliards d’euros)".

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Pourquoi l’État n’était-il pas capable de gérer les autoroutes ? Pourquoi a-t-il fallu confier cela à des sociétés privées ? "À l'époque, la priorité de Dominique de Villepin était de désendetter l’État. Il ne s'est pas posé de questions, il fallait revenir à l'équilibre. Il a donc vendu les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Et il assume encore totalement cette privatisation, il ne la regrette pas", a répondu Lilya Melkonian. L’arrivée de ces concessions a-t-elle fait baisser nos impôts ? "La particularité des autoroutes, c’est qu’elles sont payées par les usagers et non pas le contribuable. C’est-à-dire que celui qui n’utilise pas l’autoroute ne participe pas à son entretien. L’usager paie le péage, c'est le péage qui finance tout ça. Donc aujourd'hui, ça ne coûte pas moins cher ou plus cher à Madame et Monsieur Tout le monde, c'est vraiment l'usager qui participe. Les usagers ne comprennent d’ailleurs pas pourquoi il faut payer pour prendre des routes, il y a quelque chose de contre-⁠intuitif. Ils disent ‘nos impôts ont servi à les financer, pourquoi faut-il qu’on paie encore tous les jours ? et en plus pour aller travailler ?’."

Au 1er février 2023, les péages ont augmenté de 4,75% en moyenne. Comment est décidé cette hausse ? "4,75%, c’est un savant calcul. Ça a été fixé d’une manière assez simple : c’est 70% de l’inflation plus les éventuels travaux. En sachant que les travaux, c'est l'État qui les demande. Donc, c’est faux de penser que tous les péages ont augmenté de 4,75%. Certains ont augmenté de 7%, 8%... Il y a des distorsions tarifaires", a répondu Rola Tarsissi.

Concessions autoroutières : Bruno Le Maire avoue que l'État s'est trompé dans ses projections

Comme l’explique Lilya Melkonian, si les sociétés concessionnaires sont tellement rentables, c’est aussi parce que ce sont elles qui bien souvent sont choisies pour faire les travaux sur leurs propres autoroutes. Vinci et Eiffage ont leurs propres entreprises de BTP, qui peuvent faire des devis très précis, car, en tant qu’exploitants, ils connaissent très bien les coûts qu’ils vont supporter. Et ce n’est pas tout. "Les superprofits ne s'expliquent pas seulement par les travaux. Ils s'expliquent par les contrats de concession qui, en 2005, leur étaient extrêmement favorables. Bruno Le Maire fait un mea culpa il y a quelques semaines : ‘on s'est trompés dans nos calculs de projection’. C'est hyper difficile d'estimer la rentabilité de ces sociétés concessionnaires parce qu'on les estime sur la fin de leur contrat. Donc, en gros, faire des projections. Et les projections qui ont été faites en 2005 n'ont pas été les bonnes, on a mal estimé combien ces sociétés concessionnaires gagneraient. Ces contrats ont été rédigés tellement vite, et les sociétés concessionnaires avaient de si bons avocats qu'il n'y a pas de clause de revoyure, on ne peut pas renégocier ces contrats. Ils sont figés jusqu’à 2086 pour certains", a expliqué Lilya Melkonian.

 


En tant qu’automobiliste, peut-on se passer complètement des autoroutes, les contourner complètement ? "Effectivement, de plus en plus de personnes prennent le réseau secondaire. Mais le réseau secondaire, c’est plus fatiguant. Les départementales et les nationales ne sont pas forcément prévues, il y a des nids-de-poule, il faut les entretenir… Finalement, il y a quelque part un problème, c'est-⁠à-⁠dire qu’on vous laisse le choix, mais en réalité vous n’avez pas vraiment le choix. Et puis, le temps, c’est de l’argent : vous voulez aller plus vite, l’autoroute, c’est plus confortable, vous êtes obligé de payer", a répondu Rola Tarsissi.

 

 

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