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Lucie Jouvet Legrand (Criminologue) : "L'affaire Grégory est particulière car la victime est un enfant"

Par Mathieu D'Hondt

Lucie Jouvet Legrand (Criminologue et maîtresse de conférence en socio-anthropologie à l'Université de Franche-Comté) était l'invitée de Philippe Verdier dans le Grand matin Week-end de Sud radio.

Lucie Jouvet Legrand (Criminologue et maîtresse de conférence en socio-anthropologie à l'Université de Franche-Comté) était l'invitée de Philippe Verdier dans le Grand matin Week-end de Sud radio.

Alors que l'affaire Grégory vient de connaître un nouveau rebondissement avec la mise en examen du grand-oncle et de la grand-tante de l'enfant, Lucie Jouvet Legrand (criminologue et maîtresse de conférence en socio-anthropologie à l'Université de Franche-Comté) nous explique pourquoi cette enquête dure et surtout pourquoi elle a autant marqué les esprits.

Bonjour Lucie Jouvet Legrand. Selon vous, cette affaire Grégory est-elle l’un des plus grands ratés de la justice française ?

C’est vrai que c’est une affaire qui a eu des grands rebondissements, il y a eu différentes lectures de crime… Un raté, je ne sais pas ! En tout cas, cela montre un certain fonctionnement de l’appareil judiciaire en France qui malheureusement interprète des éléments matériels en fonction d’une certaine lecture du crime. Et cela a évoluée de façon très différente pour l’affaire Grégory en fonction des périodes. C’est une affaire remarquable en ce sens là.

En tant que spécialiste des erreurs judiciaires, pensez-vous qu’on est sur une nouvelle erreur ou au contraire que l’on va s’approcher de la vérité ?

La vérité, c’est toujours compliqué. C’est une notion qui est très subjective surtout en matière judiciaire. La justice est conduite par des êtres humains qui sont faillibles. Même si on a fait des progrès au niveau des expertises scientifiques, ce sont malheureusement des informations, comme les traces ADN, qui vont être décryptées en fonction d’un certain contexte. Donc les mêmes éléments de preuve, en fonction de la lecture qu’on donnera au crime, pourront être lus différemment. Pour Patrick Dills par exemple, son analyse psychologique, avec son caractère très renfermé, a d’abord été vue comme une preuve de sa culpabilité et dans un second temps, lors de la révision de son procès, comme la preuve d'une personne inhibée, élément pouvant même justifier la production d’aveux. Donc des mêmes éléments, en fonction de l’éclairage que l’on va leur donner, peuvent être décryptés de façon différente.

Qu’a-t-elle de si particulier cette affaire Grégory ?

La victime est un enfant donc ça vient heurter la conscience collective. L’opinion publique est particulièrement marquée parce que ce sont des victimes innocentes qui sont au début de leur vie. Donc, c’est vrai qu’à chaque fois qu’on a des affaires criminelles non élucidées, avec des circonstances particulièrement tragiques comme celles de l’affaire Grégory, ça sensibilise d’autant plus l’opinion publique et l’intérêt qu’on lui porte.

Qu’est-ce qui fait que tout d’un coup, cette affaire renaît de ses cendres ?

Il y a des éléments nouveaux, l’interpellation de nouvelles personnes, hypothétiquement impliquées dans l’affaire, mais il faut laisser la justice suivre son cours. Ce qui fait qu’il y a eu des renouveaux, c’est qu’on a eu des progrès au niveau des techniques d’expertises scientifiques qui ont entraîné des rebondissements. On a des personnes qui sont pour l’instant suspectées, donc c’est un élément nouveau mais après c’est dans les mains de la justice. Plus le temps passe, plus la lecture est compliquée.

On a l’impression que cette affaire ne s’arrête jamais. Est-ce que c’est rare que la justice s’implique aussi longuement ?

Non, la preuve en est avec l’affaire de Montigny-Lès-Metz. Mais c’est rare dans l’histoire judiciaire parce que plus le temps passe entre le crime et sa résolution, plus les preuves sont difficiles à rassembler. Les mémoires s’effacent, les preuves matérielles disparaissent. Dans l’affaire Grégory, les scellés on été énormément manipulés, ce qui pose des problèmes après par rapport aux lectures qu’on pourrait en faire. Plus le temps passe, plus l’aboutissement de l’affaire est compliqué.

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