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"Le lycée Galliéni est devenu la poubelle du rectorat de Toulouse"

Par Benjamin Jeanjean

Alors que le ministre de l’Éducation nationale a décidé de changer la direction du lycée Galliéni de Toulouse, en proie à de grandes difficultés ces derniers temps, Didier Mormorat, professeur de mathématiques dans cet établissement, était l’invité du Grand Matin Sud Radio ce jeudi pour en parler.

Lycée technique Galliéni à Toulouse (©PASCAL PAVANI - AFP)

Départs de feux récurrents, agressions verbales et physiques, lycéennes harcelées… Les enseignants du lycée Galliéni de Toulouse tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs semaines au sujet de la situation très difficile de l’établissement, à tel point que le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer s’apprête à mettre en place une nouvelle équipe dirigeante. Professeur de mathématiques depuis 1998 dans ce lycée, Didier Mormorat était l’invité du Grand Matin Sud Radio ce jeudi pour évoquer une crise qui dure selon lui depuis plusieurs années.

"On s’est retrouvé avec un quartier-bis dans l’établissement"

"Depuis 2009, nous alertons tous les ans le rectorat. Il y a toute une histoire derrière. Le lycée a été reconstruit après l’accident d’AZF. C’était un beau lycée, un très grand lycée. Le problème, c’est que nous avons perdu la majorité de nos élèves après cette explosion, et on s’est retrouvé avec une coquille vide, que nous remplissons avec les quartiers alentour, notamment celui du Mirail. Il y avait donc des élèves qui n’avaient pas forcément choisi cette orientation. Ils sont arrivés là par défaut, et on s’est petit à petit retrouvé avec un quartier-bis qui s’est créé dans l’établissement", raconte-t-il.

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Un "quartier-bis" difficilement maîtrisable pour le personnel, comme l’explique Didier Mormorat. "C'est un lycée de dix hectares, le plus grand d’Occitanie, qui est donc très difficile à contrôler. Le ministre a dit que ce n’était pas une question de manque d’effectifs. En réalité, si. Dans l’Éducation nationale, on compte les surveillants par rapport au nombre d’élèves et pas par rapport à la superficie. Il y a donc forcément des problèmes", déplore-t-il avant d’utiliser un exemple actuel. "Dans une de mes classes, j’ai à la fois des élèves motivés qui viennent pour apprendre un métier, des migrants qui ne parlent pas français, des handicapés moteurs, des handicapés que je qualifierais d’intellectuels, et des délinquants, dont un élève qui sort de prison. Ce mélange ne fonctionne pas. L’élève qui sort de prison arrive avec quatre mois de retard sur ses camarades, ça ne peut pas fonctionner. On comprend que l’école de la République doit accueillir tous les élèves, mais on doit avoir des structures adaptées. On est prêt à être un lycée pilote dans ce domaine et on a fait des propositions au rectorat – qui ne nous a pas écouté – et au ministère – qui nous écoutera peut-être –", espère-t-il.

"Ce lycée a une histoire depuis AZF, on y est attaché"

L’enseignant a pourtant bien tenté avec ses collègues d’alerter le rectorat et de faire des propositions, mais sans le moindre succès. "Il faudrait par exemple mettre les migrants dans une structure propre pour leur apprendre d’abord le français et ensuite les intégrer dans une orientation choisie. Ceux qui sortent de prison doivent être mis dans de petites structures pour être réintégrés petit à petit, eux qui passent pour des caïds dans des classes déjà difficiles. Je vais être méchant, mais Galliéni a servi pendant longtemps de poubelle du rectorat ! Quand on ne savait pas quoi faire d’un élève, on le mettait à Galliéni. Cette année, on a fini par soulever le couvercle et informer les médias. Forcément, les choses sont en train d’évoluer petit à petit", constate-t-il.

Quant à la possibilité de partir enseigner ailleurs, lui qui est présent sur place depuis 1998, Didier Mormorat ne l’envisage pas. "Ce lycée a une histoire, il a connu l’explosion d’AZF, avec un mort et de nombreux blessés. On y est attaché, même maintenant les nouveaux arrivants sont prêts à rester malgré les difficultés, pour les élèves. (…) La direction actuelle a fait ce qu’elle pouvait, mais le problème c’est qu’on n’a jamais été entendu pendant neuf ans par le rectorat. Quand on leur parlait violence, ils nous répondaient pédagogie. Encore récemment, on a quitté une réunion parce qu’on nous a expliqué qu’il fallait faire de pédagogie. Mais comment voulez-vous gérer par de la pédagogie des délinquants qui sont incontrôlables… ?", indique-t-il.

Réécoutez en podcast toute l’interview de Didier Mormorat dans le Grand Matin Sud Radio

 

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