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Pierre Conesa : "La légitimité a mis beaucoup de temps à se trouver critiquée"

Pourquoi les élites occidentales ont-elles trouvé si difficile de remettre en question les actions de leurs dirigeants ? Pour en parler, Pierre Conesa, ancien haut-fonctionnaire au ministère de la Défense, était l'invité d’André Bercoff le lundi 16 juin 2025 sur Sud Radio.

Pierre Conesa
Pierre Conesa, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Pierre Conesa publie un livre : Repentance et victimisation, la maladie auto-immune de l’Occident ? (Éditions de l'Aube).

"C'est quand même gênant de penser que ce sont les organismes endogènes de notre société qui ont créé la maladie"

Qu'est-ce qui fait que des intellectuels parisiens, dont Jean-Paul Sartre, ont accepté de dire "Mao, la révolution culturelle, formidable ! Pol Pot, formidable !" ? "Ça m'a beaucoup fasciné. Comment pouvait-on accepter jusqu'au bout les exemples que vous avez cités? À mon avis, il y avait deux choses. Il y a d'abord l'emprise du marxisme. Le marxisme est une logique qui vous promet le bonheur absolu. Et finalement, la fin justifie les moyens. C'est-à-dire qu'il y aura des morts, mais de toute façon, à la fin c'est la réalisation de l'optimum sur l'égalité absolue. Rappelez-vous que même à l'époque de Staline, on va effectivement excuser, on va essayer de pas voir etc. La deuxième chose, c'est que la Terre est plate, et que le lieu de pouvoir est Paris, et surtout les 5ème, 6ème et 7ème arrondissements. C'est-à-dire que peu de gens allaient sur place voir. Et évidemment, quand ils y allaient, ils étaient en général très bien acceptés, ils étaient choyés, on les amenait où il fallait, les villages Potemkine. En plus, avec tout ce qu'on peut faire avec un intellectuel, si on lui passe la main dans le dos, si on fait traduire ses bouquins etc. Donc, il y avait une espèce de lâcheté intellectuelle qui est étonnante. Je reviens sur le cas de Raymond Aron. Il était diabolisé. Il écrivait dans Le Figaro, vous rendez compte du poids que ça pouvait représenter ? Et il a fallu des années pour qu'à la fin on reconnaisse que c'était Aaron qui avait raison. Donc, c'est quand même gênant de penser que ce sont les organismes endogènes de notre société qui ont créé la maladie", a répondu Pierre Conesa.

Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'un jugement impartial des crimes commis par les Européens, à part le procès des nazis à Nuremberg ? "En effet, on juge les dignitaires nazis et les dignitaires japonais, on reprend la recolonisation, on va bombarder… Rappelez-vous les émeutes de Sétif, je crois que ça fait 3.000 morts, et le bombardement d'Haiphong, ça fait 6.000 morts. Et on est en plein procès de Nuremberg. Donc nous ne ferons jamais nous-mêmes le procès de nos propres horreurs. Rappelez-vous la torture, le déplacement de populations, les bombardements de population civile etc. Parce qu'on est dans la situation où la légitimité a mis beaucoup de temps à se trouver critiquée. C'est parce qu'on prend le contingent en Algérie que commence la crise. La guerre d'Indochine, il n'y a pas de crise en France pour ça. Il y avait les dockers qui refusaient d'embarquer, mais il n'y a pas de crise dans la société française."

"En France, les Frères musulmans ont choisi de se battre sur des théâtres secondaires"

Qu'est-ce qui fait qu'il y a aujourd'hui en France des gens qui flattent les Frères musulmans et qui pensent qu'ils vont faire la révolution avec les Frères musulmans ? "Je crois qu'il y a eu une espèce de transformation sociologique en France qui fait que l'ouvrier n'est plus la classe dominante. Et donc, les gens de l'extrême-gauche ont pensé que le réservoir de voix était le réservoir de vote musulman. Mais il n'y a pas de vote musulman ! Vous avez, comme moi, des amis avocats, ingénieurs etc. qui ont trouvé une place dans cette société. Simplement, quand il y a un attentat, on va les voir en leur disant : 'Alors, vous vous êtes musulman, qu'est-ce que vous en pensez ?'. C'est-à-dire que tout à coup on les renvoie à une identité qu'ils ont abandonnée depuis longtemps. Le rapport sur les Frères musulmans est très intéressant parce que la première version qu'on a connue, nous, c'est les attentats sur le territoire. Donc, c'était la version salafiste. Les Frères musulmans ont été beaucoup plus habiles parce que c'est une organisation avec des leaders, avec des gens qui pensent la société. Et eux, ils ont choisi de se battre sur des théâtres secondaires. C'est-à-dire que vous ne pouvez pas, dans le droit de la famille, imposer à une famille que leur petite fille ne porte pas le voile. On va les voir dans des clubs sportifs musulmans : ils font de l'entrisme sur des théâtres secondaires. À ce moment-là, vous pouvez difficilement dire : 'On va faire une loi pour que les parents interdisent à leur petite fille de porter le voile'. Donc, sur des situations comme celle-là, ils ont beaucoup plus d'intelligence. Ils ont d'ailleurs présenté pas mal de candidats aux municipales, parce que là aussi, c'est une manière de reprendre à leur avantage la loi républicaine. Mais fondamentalement, il y a une pensée politique derrière", a expliqué Pierre Conesa.

"Je reviens souvent sur un constat que je répète à l'infini : c'est que la France est le pays qui a la plus grosse communauté musulmane, la plus grosse communauté juive, la plus grosse communauté arménienne, la plus grosse communauté chinoise, la plus grosse communauté vietnamienne des pays de l'Union européenne. Or, nous n'avons des problèmes qu'avec le séparatisme musulman", a poursuivi Pierre Conesa.

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