Aujourd’hui, on pourrait parler de l’opération enfouissement. En clair, comme me le disait hier un expert du dossier : le plan Borloo, c’est mort ! Depuis que l’Élysée a pris connaissance de ce plan qui réclame un Big Bang sur le sujet, toute la question est de savoir comment lui rendre hommage tout en l’enterrant. Exercice délicat…
Première solution : élargir le cercle des intervenants. Il n’est pas question de laisser un membre de l’élite blanche expérimentée dicter des solutions. C’est donc le but de ce Conseil présidentiel qui regroupe des acteurs de terrain provenant d’horizons divers : le social, la politique de la ville, le monde du spectacle et des lettres, etc.
Deuxième solution : le symbole. La grande œuvre de Borloo, c’est la création de l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) sous la présidence Chirac. Ce programme de plusieurs dizaines de milliards avait effectivement modifié le paysage des cités, mais il est aujourd’hui au point mort : progression du chômage et des inégalités, éclosion de foyers de radicalisation, dégradation de la situation… Pour autant, aujourd’hui une nouvelle ANRU devrait être annoncée.
Ce plan ne plaît pas à Emmanuel Macron car ce dernier ne veut pas se mettre dans la main de Borloo. Il ne l’a d’ailleurs pas reçu sur ce sujet, Borloo remettant son plan à Édouard Philippe. C’est un symbole qui n’échappe à personne, et surtout pas à Borloo. "Borloo a fait du Borloo !", dit-on à l’Élysée. Beaucoup de com’ pour des propositions (ENA des banlieues, Cour de justice de l’égalité territoriale) considérées comme des gadgets. En fait, le plan Borloo obéit à une règle classique : du recrutement massif, en particulier dans le secteur public. Je peux vous dire que le ministre de la Fonction publique Olivier Dussopt en est resté stupéfait lorsque Borloo est venu lui demander de prendre 10 000 personnes dans la fonction publique !
Comme le résume une haute personnalité qui connaît Borloo par cœur, "Borloo c’est un peu comme l’iPhone 4, moderne en apparence mais daté en réalité". Depuis plusieurs jours, les déclarations du gouvernement se multiplient pour prévenir que ce rapport est d’abord là pour inspirer. Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a été encore plus net : "Ce n’est pas Borloo qui tranche".
Dans son discours, Macron va souligner que beaucoup de mots ont été prononcés au sujet de la banlieue, mais que les maux sont toujours là et que les problèmes sont toujours plus graves et urgents. Pas question pour autant d’avoir recours aux formules usées jusqu’à la corde. Macron n’est pas dupe, il a bien compris que l’ancien ministre de Sarkozy fait pression et qu’il se verrait bien être ce Général Patton, ce grand coordinateur du pilotage politique. Mais là aussi, le symbole est cruel. Le Général Patton, connu pour sa bravoure, a été nommé commandant du premier groupe de l’armée américaine lors de la Seconde Guerre mondiale, mais ce groupe était fictif ! Il devait faire croire que le débarquement allié devait être à Calais et non en Normandie…
Tout est dit : Borloo est le leurre de Macron.
Réécoutez en podcast l’édito de Michaël Darmon dans le Grand Matin Sud Radio