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Viols de Mazan : Gisèle Pelicot, symbole des victimes de la soumission chimique

Par Justine Houllé

Samedi 14 septembre, des manifestations en soutien à Gisèle Pelicot ont eu lieu dans une trentaine de villes en France. Droguée à son insu par son mari et livrée à des inconnus entre 2011 et 2020, Gisèle Pelicot apparaît désormais pour beaucoup comme le symbole des victimes de la soumission chimique.

Au procès des viols de Mazan, Gisèle Pelicot entourée de ses avocats.
(Photo by Christophe SIMON / AFP)

Depuis le 02 septembre, la cour criminelle du Vaucluse est réunie pour un procès retentissant et d'une ampleur considérable : celui de viols de Mazan. Une affaire hors norme, invraisemblable, où un homme, pendant une dizaine d'années, a drogué sa femme pour la violer et la faire violer par une dizaine d'inconnus. Alors que Dominique Pelicot, mari de la victime et principal accusé dans cette affaire, est aujourd'hui entendu à la barre et a reconnu "[être] un violeur", les débats font rage pour comprendre ce qu'est la soumission chimique, ce que cela implique pour les victimes et quels sont les moyens de s'en prémunir. On en parle avec Leïla Chaouachi, pharmacienne au Centre d'Addictovigilance de Paris et rapporteure d'une enquête annuelle sur la soumission chimique auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Un"mode opératoire des violences"

"Droguer une personne à son insu ou sous la menace", c'est-à-dire "sans son consentement, pour commettre une fait délictuel ou criminel" : c'est ainsi que Leïla Chaouachi, pharmacienne au Centre d'Addictovigilance de Paris, définit la soumission chimique. Un processus qui relève davantage d'un "mode opératoire des violences", détaille Leïla Chaouachi : le procédé de soumission chimique est majoritairement utilisé dans des cas d'agressions sexuelles et de violences sexuelles, mais également lors de vols, d'enlèvements, de séquestrations, de tentatives d'homicide, d'homicides et dans des cas de traites d'êtres humains.

Dans le cas de l'affaire Mazan, les "benzodiazépines et apparentés" sont les médicaments qui ont été manipulés par les accusés, explique la pharmacienne spécialiste en addictovigilance. Il s'agit d'anxiolytiques, c'est-à-dire des "calmants" qui ralentissent l'activité du cerveau et produisent, entre autres, un effet de somnolence. Une information qui concorde avec les données du Centre d'Addictovigilance de Paris, insiste Leïla Chaouachi : lors d'un cas de soumission chimique avéré, les "sédatifs" sont les médicaments les plus employés, arrivant même à la "première position" des substances utilisées.

Lorsque le processus a lieu,"1 victime sur 2" souffre"d'amnésie"

Au-delà de la sédation, il est obligatoire de prendre en compte la "composante amnésiante" du procédé de soumission chimique, insiste Leïla Chaouachi. Selon les données du Centre d'Addictovigilance de France, "1 victime [de soumission chimique] sur 2 [est sujette à un trouble amnésique total ou partiel]". D'où l'importance de la formation des professionnels de santé à ce qu'est la soumission chimique, qui ne présente "pas de symptômes spécifiques", seulement "des tableaux évocateurs", souligne la pharmacienne. Dans le cas de Gisèle Pelicot, "dix ans d'errance thérapeutique" se sont pourtant écoulés -entre les infections du col de l'utérus à répétition, les hémorroïdes et les multiples IST contractées-, sans qu'aucun professionnel de santé ne mette le doigt sur la réalité subie par la victime.

En 2022, "1229 victimes ont suspecté" avoir subi un processus de soumission chimique

En France, une initiative a malgré tout été mise en place depuis 2003 pour prendre conscience de l'ampleur du processus de soumission chimique et adopter, en conséquence, des réponses efficaces pour lutter contre le phénomène. "Réunion unique en France", "l'Enquête pharmaco-épidémiologique " dirigée par l'ANSM a ainsi révélé qu'en 2022, "1229 victimes ont suspecté avoir été soumises chimiquement". Un constat terrifiant, d'ailleurs en hausse depuis quelques années. "Depuis 2021, les déclarations [qui tendent à soupçonner une soumission chimique] augmentent de façon exponentielle", constate Leïla Chaouachi. Une hausse de "69%" en 3 ans, qui reflète "la libération de la parole depuis 2017 et le hashtag #MeToo", mais qui ne doit toutefois pas être lue "sous le prisme de l'augmentation de la criminalité", alerte la pharmacienne au Centre d'Addictovigilance de Paris.

Seulement, la soumission est devenue une véritable "affaire technique", déplore Leïla Chaouachi. En effet, pour confirmer l'intention de soumission chimique à l'égard d'une victime, "l'accès aux analyses toxicologiques est [aujourd'hui] conditionné au dépôt de plainte". Un vrai parcours du combattant pour les victimes, d'autant plus que de nos jours,"la gamme des agents de la soumission chimique" s'est élargie, rappelle la pharmacienne au micro de Patrick Roger. Même si les médicaments restent les substances majoritairement retrouvées dans les cas de soumission chimique, les "drogues gagnent du terrain". Des drogues sédatives, "[stimulantes]" -comme la MDMA, les drogues de synthèse- et "dissociatives" sont notamment employées par ceux qui s'adonnent à ce processus pervers, développe Leïla Chaouachi.

Comment lutter contre la soumission chimique ?

Pour combattre le processus de soumission chimique, "l'aspect réglementaire" n'est"pas suffisant", affirme la pharmacienne au Centre d'Addictovigilance de Paris, qui pointe deux autres conditions fondamentales. "Le travail de sensibilisation est extrêmement important et doit être fait dans la population, [mais aussi auprès des professionnels de santé, de police et de justice]. Le travail d'information des victimes" doit, lui aussi, ne pas être oublié ou remis en cause. En conclusion, Leïla Chaouachi appelle à "la vigilance solidaire" de tout un chacun pour lutter efficacement contre la soumission chimique.

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Retrouvez l'intégralité de l'entretien de Patrick Roger avec Leïla Chaouachi, pharmacienne au Centre d'Addictovigilance de Paris et rapporteure d'une enquête annuelle sur la soumission chimique auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ici.

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