"Notre raison de rester debout, c'est la vérité pour Medhi", déclarent à l'AFP Valérie et Jalil Narjissi, parents du jeune rugbyman disparu en mer en Afrique du Sud lors d'une tournée avec l'équipe de France des moins de 18 ans en août 2024. Ils réclament que chacun "assume ses responsabilités".
Question: Un an après, pourquoi retourner en Afrique du Sud pour un hommage familial sur la plage de Dias Beach, où s'est produit le drame?
Jalil Narjissi: "C'est un déplacement pour Medhi. Et pour la vérité. Et pour aussi faire (savoir) que notre combat est légitime. On ne peut pas mettre un mouchoir sur notre fils et dire que c'est un accident. Non. Il y a des responsabilités. Il faut que chacun les assume. Et aussi, ça ne doit plus se reproduire. Notre raison de rester debout, c'est la vérité pour Medhi."
Valérie Narjissi (en larmes): "C'est douloureux tout le temps, mais on ne peut pas ne pas y aller. Ça s'est passé là-bas, il n'est pas rentré. On doit y aller, même si c'est une épreuve surhumaine."
Q.: Qu'attendez-vous de l'enquête ouverte en Afrique du Sud, en parallèle de la procédure judiciaire française?
J.N.: "Il y a un prestataire qui a encadré cette journée de découverte, qui est Français, vivant en Afrique du Sud, avec une société sud-africaine. Ce prestataire connaît les lieux, a pour obligation d'encadrer, de guider le groupe France, joueurs, encadrants, et ce prestataire a sa responsabilité dans ce drame, il aurait dû s'opposer physiquement (...) Il fait partie des responsables. Comme la Fédération au plus haut niveau, par rapport à ses manquements dans l'organisation."
Q.: Comment vivez-vous le fait que l'ex-manager et l'ex-préparateur physique de la sélection U18, mis en examen en France, se renvoient la responsabilité de cette baignade de récupération sur une plage dangereuse?
J.N.: "Ils se défaussent, ils se rejettent (la responsabilité). Au lieu d'assumer! Notre fils leur faisait confiance. Notre fils n'a pas été tout seul à cet endroit-là. C'est eux qui ont organisé ça. C'est de la lâcheté. Ils ont joué avec la sécurité, la vie de nos enfants, de notre fils (...) La justice fera la lumière. La justice les punira. Parce qu'ils sont la cause de ce drame, de cette catastrophe. Directement. Ils ont mis notre fils et d'autres adolescents à un endroit interdit, dangereux, et ils l'ont laissé mourir. Pour nous, c'est un crime."
Q.: Au-delà des deux mises en examen, estimez-vous que les responsabilités sont plus larges?
V.N.: "Ce ne sont pas seulement ces deux personnes, il y avait plusieurs adultes sur la plage. En tant qu'adultes, ils peuvent s'opposer, ils constatent que c'est dangereux, ils auraient dû s'interpeller, dire +Non, il faut stopper tout, sortir les gamins de l'eau, c'est n'importe quoi+. On peut regarder ça et ne rien faire? Et après, dire: +Ce n'est pas moi+? Ce n'est pas acceptable. C'est pour ça qu'on se bat et qu'on veut la vérité, parce que je ne peux pas entendre que des gens regardaient mon fils se noyer, sans rien faire (...) La chaîne des coupables, ça sera du début jusqu'à la fin. Ce sera notre combat."
Q.: Le président de la Fédération Florian Grill doit-il être mis en examen, selon vous?
J.N.: "Il est responsable de ce drame. Il doit assumer. Aujourd'hui, il se défausse en disant beaucoup de mensonges, qu'il nous accompagne, que tout a été mis en place pour la famille... C'est faux, c'est faux. (Il y a) des manquements graves que le rapport du ministère de la Jeunesse et des Sports a cités, qui sont la cause de l'accumulation de toutes ces fautes-là. Ce n'est pas ce Monsieur-là qui a mis notre fils à l'eau, mais c'est lui qui est responsable de tout ce qui n'a pas été fait (...) Et après, moralement, ce Monsieur ne nous a pas accompagnés (...) Notre fils a disparu de l'autre côté de la planète, les élections (fédérales) ont continué, et nous, une famille dévastée, détruite, la perte d'un enfant... Personne à nos côtés. Ces choses-là sont dramatiques et nous rongent encore plus."
Propos recueillis par Patrick ANSELMETTI.
Par Patrick ANSELMETTI / Agen (AFP) / © 2025 AFP