Un appel à "bloquer le pays" le 10 septembre fait son chemin sur les réseaux sociaux. À l’origine de cette contestation : le plan de redressement des finances publiques porté par François Bayrou. Une mesure de rigueur qui passe mal, notamment à cause du gel des prestations sociales et de la suppression annoncée de deux jours fériés. Un cocktail explosif, perçu comme une provocation de trop par une partie de la population déjà durement touchée par l’inflation, les hausses d’impôts locaux et la crise du pouvoir d’achat. Sur TikTok, Instagram, Facebook, les messages pullulent : "Boycott général", "blackout citoyen", "arrêt total du pays"… Le mot d’ordre est clair : paralyser l’économie pour faire entendre une colère sourde, grandissante, mais encore informe.
Le retour d’un symbole : Ghislain Coutard reprend la parole
Dans cet appel à l’arrêt complet du pays, sans école, sans transport, sans achats ni livraisons, certains voient les signes d’un remake des Gilets jaunes. Et justement, Ghislain Coutard, figure fondatrice de ce mouvement né en 2018, a réagi. Il confie avoir été "surpris" par cette vague soudaine mais y voit un espoir : "Je n’attendais que ça que ça reparte. Je reprends espoir. Cela vient de partout, de nulle part. Le gouvernement joue avec le porte-monnaie des Français." Coutard, resté à l’écart ces derniers temps, dit recevoir une multitude de messages. Il observe une colère sociale "en train de renaître", alimentée par une impression de déconnexion entre les élites et le quotidien de millions de Français. "Ceux qui nous demandent des efforts sont dans un autre monde", affirme-t-il. À ses yeux, la situation actuelle n’est que l’aboutissement d’une accumulation : les réformes impopulaires, les efforts demandés aux classes moyennes et modestes, la gestion du COVID, la guerre en Ukraine, et désormais la suppression de jours fériés… "Il y a un ras-le-bol général", tranche-t-il.
Une mobilisation qui inquiète le gouvernement
Cette nouvelle vague de mobilisation, pourtant sans visage ni leader identifié, interpelle jusque dans les plus hautes sphères de l’État. D’après une enquête de MSN, le gouvernement se veut vigilant. À Matignon comme à l’Élysée, les services de renseignement surveillent de près ce mouvement, même s’il reste difficile à quantifier. "On regarde ça avec beaucoup d’attention", confie une source proche du pouvoir. Et pour cause : le mode d’action prôné ne ressemble ni à une manifestation classique, ni à une grève coordonnée. Il s’agit d’une paralysie citoyenne, d’un refus de consommer, de se déplacer, de produire, bref, de "faire tourner le système". Une forme de désobéissance civile 2.0, décentralisée, virale, sans mot d’ordre clair ni porte-parole, mais portée par une colère bien réelle.
Une fracture sociale qui se creuse
Officiellement, le mouvement se dit apolitique, spontané, sans récupération partisane. Mais en coulisses, certains proches de François Bayrou redoutent une cristallisation de la colère. Ils lui recommandent de lâcher du lest : par exemple, en instaurant une taxe exceptionnelle sur les superprofits ou les très hauts revenus pour apaiser un sentiment d’injustice fiscale grandissant. Car sur les réseaux, les hashtags "Les gueux" ou "C’est Nicolas qui paie" traduisent une fracture qui dépasse largement la simple contestation d’une réforme budgétaire. C’est un rejet du système tel qu’il fonctionne aujourd’hui, un rejet alimenté par la perception que "ceux d’en haut" ne paient jamais les mêmes factures que "ceux d’en bas".
Alors que la rentrée s’annonce déjà explosive entre les négociations salariales, la question de l’énergie et la réforme du RSA, le blocage du 10 septembre pourrait bien être le révélateur d’un malaise plus profond. Celui d’un pays en surchauffe, où une partie de la population ne se sent plus représentée, ni écoutée. Et si cette colère prend, comme le pense Ghislain Coutard, ce ne seront pas seulement les ronds-points qu’il faudra surveiller, mais les écrans, les réseaux, et les silences lourds d’une France qui bouillonne.