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Procès Péchier: une enquête "inhabituelle", des médicaments pour armes

Un bloc opératoire comme scène de crime, des médicaments pour armes : le directeur de l'enquête sur les empoisonnements reprochés à l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier a décrit mardi devant la cour d'assises du Doubs des investigations pour le moins particulières.

SEBASTIEN BOZON - AFP

Un bloc opératoire comme scène de crime, des médicaments pour armes : le directeur de l'enquête sur les empoisonnements reprochés à l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier a décrit mardi devant la cour d'assises du Doubs des investigations pour le moins particulières.

C'est une "enquête inhabituelle pour plusieurs raisons: la scène de crime, les armes utilisées", a expliqué Olivier Verguet à la cour. La scène de crime, c'est un bloc opératoire, un "lieu aseptisé avec une hygiène maximum" compliquant la possibilité de relever des empreintes digitales ou des traces d'ADN.

Assimiler le vocabulaire technique, comprendre le fonctionnement d'une anesthésie, se confronter au secret médical... "Je n'imaginais pas l'ampleur de la tâche qui allait être la nôtre", a déclaré le policier.

Cette investigation "complexe" démarre début 2017, avec l'arrêt cardiaque d'une patiente de 36 ans en bonne santé, Sandra Simard, lors d'une opération du dos. Pour comprendre les raisons de cet incident surprenant, la médecin qui l'a anesthésiée fait analyser les poches de soluté utilisées lors de l'opération.

Dans une poche de réhydratation est alors découverte une concentration de potassium 100 fois supérieure à celle attendue, ce qui conduit la direction de la clinique à alerter le parquet.

- "Psychose" -

Le 20 janvier 2017, alors que des enquêteurs de la police judiciaire se trouvent dans l'établissement, Jean-Claude Gandon, 70 ans, fait à son tour un arrêt cardiaque au bloc opératoire, où officie cette fois le docteur Péchier. Le septuagénaire, qui a survécu, raconte à l'AFP avoir subi un "deuxième choc", en apprenant qu'il avait été empoisonné. Aujourd'hui, "je voudrais savoir la vérité", confie-t-il.

Croquis d'audience montrant l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier à son procès à la cour d'assises de Besançon, le 8 septembre 2025

Croquis d'audience montrant l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier à son procès à la cour d'assises de Besançon, le 8 septembre 2025

Benoit PEYRUCQ - AFP

Dans son cas, les investigations ont révélé une intoxication à la mépivacaïne, un anesthésique local. C'est la première et seule fois qu'un patient du docteur Péchier est victime d'un arrêt cardiaque suspect.

Alors qu'une "psychose commençait à naître dans ce bloc opératoire", comme le raconte M. Verguet, les policiers établissent des rapprochements avec d'autres cas d'empoisonnements - mode opératoire, heure matinale des faits -, et commencent à "trouver la présence récurrente du Dr Péchier particulièrement inquiétante".

L'anesthésiste, qui avait signalé la présence de poches de paracétamol étrangement percées dans la salle d'opération, s'estime victime d'un acte malveillant. Mais les enquêteurs le soupçonnent au contraire d'avoir sciemment empoisonné son propre patient afin de se forger un alibi.

Selon l'accusation, il aurait empoisonné les patients de ses confrères avec lesquels il était en "conflit ouvert" à cause de questions d'argent, de pouvoir, voire de planning, pour démontrer ensuite ses qualités de réanimateur.

Dans ce contexte, Frédéric Péchier aurait commis le "crime parfait" en s'en prenant aux patients des autres, en tout cas jusqu'au cas Simard, observe le directeur d'enquête. Pourtant, pressé de questions par la défense, il peine à expliquer comme le docteur Péchier s'y serait pris pour être sûr que la poche qu'il aurait empoisonnée était destinée spécifiquement à tel ou tel patient pour viser tel ou tel collègue anesthésiste.

- "Un criminel parmi eux" -

Les poches, auxquelles "tout le monde avait accès", étaient choisies de manière "aléatoire, non pas par lui, mais par des infirmières", a observé en fin de journée Randall Schwerdorffer, l'un des avocats du médecin. "Ça fait beaucoup d'aléas pour arriver de façon déterminée à empoisonner un patient".

Au total, le docteur Péchier comparaît pour 30 empoisonnements, dont 12 mortels, entre 2008 et 2017, sur des patients âgés de 4 à 89 ans.

Croquis d'audience de l'ancien anesthésiste Frédéric Péchier à son procès à la cour d'assises de Besançon, le 8 septembre 2025 dans le Doubs

Croquis d'audience de l'ancien anesthésiste Frédéric Péchier à son procès à la cour d'assises de Besançon, le 8 septembre 2025 dans le Doubs

Benoit PEYRUCQ - AFP

Ses anciens collègues de la clinique Saint-Vincent ont eu "un véritable sentiment de culpabilité de ne pas avoir pu découvrir qu'un criminel se trouvait parmi eux", relate M. Verguet.

Devant la cour, l'accusé a réaffirmé lundi ce qu'il dit depuis le début: il n'a "jamais empoisonné" personne. L'ancien médecin de 53 ans comparaît libre, mais risque la réclusion criminelle à perpétuité.

Le procès est prévu jusqu'au 19 décembre.

Par Pauline FROISSART et Angela SCHNAEBELE / Besançon (France) (AFP) / © 2025 AFP

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